Forêt tropicale, mer corallienne… la beauté à portée de main
Dimanche 25 janvier 2004Boca del Toro, 25 janvier 2004
Sous le cerveau, un ange.
Les cerveaux, ces pâtés de coraux arrondis aux circonvolutions encéphales offrent d’excellents abris aux poissons tropicaux. Comme ici, à la caye Zapatillo, dans le parc national maritime de l’île Bastimentos, sur la côte caraïbe du Panama. Les poissons ange, de taille exceptionnelle, voisinent avec des empereurs, des perroquets, des soleils, des soldats, des chirurgiens, des coffres, des petits mérous et des troupeaux de rougets qui broutent furieusement le fond en soulevant des nuages de sable.
A bonne distance, passent de belles caranques. Ces visions ravissent d’autant plus Rose et Raoul Piche que moins d’une heure auparavant, à deux miles de là, des dauphins complaisants s’ébattaient autour de leur bateau.
Mais le plus étonnant est qu’ils soient passés en un rien de temps d’un spectacle à un autre totalement différent.
C’est un des plaisirs des pays d’Amérique centrale que d’offrir une grande variété de paysages, voire de climat ou de population en un nombre réduit de kilomètres.
Ainsi, avant d’atteindre la faune corallienne, les Piche, partis de la ville de David, à trois heures de là, empruntaient une route de montagne qui traverse une forêt humide de toute beauté. L’extrême variété des essences d’arbres, de fougères, de fleurs, de bambous, de lianes leurs tailles et leur regroupement aussi divers que possible donnent aux collines des allures de jaillissement végétal si harmonieux qu’il paraît résulter d’une main d’artiste.
Avec l’altitude, la brume des nuages apporte à cette végétation une brumisation naturelle et au voyageur une fraîcheur bienvenue. Une fois franchie la cordillère de Talamanca, la route vers Almirante suit la lagune de Chiriqui entièrement tapie de mangrove, cette végétation qui prend racine dans l’eau salée.
Le trajet se termine à un embarcadère de bout du monde qui pourrait laisser penser aux Piche qu’ils ont changé de pays tant le lieu tranche avec tout ce qu’ils viennent de traverser en peu de temps.
De pauvres maisons en bois, sur pilotis, brûlées par le soleil, mangées par l’humidité, noyées par les pluies, toutes de guingois, plantent leurs fragiles gambettes dans l’eau saumâtre d’un étroit bras de mer. Les habitants, noirs, parlent un créole aux accents anglais qui ne laissent aucun doute : Rose et Raoul ont atteint la côte Caraïbe, sorte d’extension de la Jamaïque dont est originaire cette population.
Les déplacements s’effectuent à bord de grosses barques en fibre de verre dotées de puissants hors bord qui filent à toute allure au milieu de la mangrove et des pâtés de coraux. De temps à autre, le pilote coupe les gaz pour ne pas faire chavirer un indien qui pagaie dans une barque taillée d’une pièce dans un tronc d’arbre.
Changement de décors, à nouveau, à peine un peu plus au nord. Là, Rose et Raoul Piche franchissent la frontière du Costa Rica en marchant sur les rails d’un pont de chemin de fer comme le font indifféremment piétons, autos, camions, trains.
Ensuite, sur des dizaines de kilomètres se succèdent des bananiers avec leurs sacs bleus protégeant les régimes.
- Ce sont nos bananes, des Chiquita, celles qui sont exportées vers l’Europe et les Etats-Unis, précise Raoul qui a pris ses renseignements.
Rose, elle, détecte immédiatement que la couleur trop verte et la taille excessive de ces bananiers ne peut que résulter de l’usage massif de fertilisants. Bingo. Des bâtiments portant en gros caractères le mot “Fertlizante” hébergent des tonnes de ces produits. Ingénument, des pancartes imagées préviennent qu’il est très dangereux de pénétrer dans ces plantations pour cause d’épandage aérien de produits toxiques !
Une poignée de kilomètres encore et c’est Puerto Viejo de Talamanca où la nature retrouve sa beauté peignée de main d’homme.
Trois tours de roues de bicyclette et Rose et Raoul parviennent à Punta Uva.
Les tropiques sont loin d’être partout le paradis. Mais ici cela lui ressemble. Sur cette petite avancée dans la mer, on retrouve le même jaillissement végétal que dans la montagne avec, à ses pieds, l’eau turquoise de la Caraïbe et le sable blanc d’une large plage sur laquelle se penchent mille végétaux protégeant de la morsure du soleil. Dans le ciel glisse une escadrille en V de cormorans en vol plané.
Reprenant le créole local, à sa façon, Raoul considère ce paysage et lance à Rose :
- es pequeño america central but it’s beautifull. Pura vida !
- small and beautifull, ironise Rose, tu as trouvé ça tout seul…