Les temples d’Angkor, grandeur, beauté et démesure
Siem Reap, 8 au 12 février 2002.
Ce pourrait être l’histoire de gamins qui auraient réalisé des constructions en Lego délirantes de complexités. Elles seraient immensément grandes avec d’innombrables tours oblongues, des enceintes autour d’autres enceintes et à chaque fois un niveau supplémentaire relié au précédent par des escaliers presque verticaux, des enfilades de galeries interminables, des cours intérieures et d’immenses allées succédant à des portes monumentales pour y accéder. Une architecture en labyrinthe dans laquelle on se perdrait avec délectation.
Cela pourrait être et cela est. Sauf que ceux qui ont ainsi déliré, il y près de mille ans, n’étaient pas des enfants mais des rois et leurs pièces de Lego des blocs de pierres de plusieurs centaines de kilos. Quasiment tous sculptés, ces blocs forment des temples stupéfiants qui tirent leur harmonie de leur étendue et de leur complexité aussi bien que de leurs sculptures et de leur présence au cœur de la végétation tropicale du Cambodge.
Face à ces délires de pierres que sont les temples d’Angkor, Rose et Raoul Piche ont été frappés par la démesure qui les caractérise. Démesure du site qui s’étend sur plusieurs dizaines de kilomètres; démesure des temples eux-mêmes qui atteignent parfois des kilomètres de périphérie; démesure des bas reliefs dont certains courent sur 800 mètres de long et comptent des dizaines de milliers de personnages; démesure des enchevêtrements de salles, de couloirs, de niveaux. Démesure de l’atteinte du temps qui donne le sentiment d’arriver au lendemain d’un tremblement de terre avec des voûtes prêtes à s’écrouler et d’autres transformées en chaos de pierres. Démesure, enfin, de la nature dont les arbres multi-centenaires digèrent avec aisance les énormes blocs de pierre en lançant leurs racines à l’assaut de murs entiers telles des tentacules longues de plusieurs dizaines de mètres et grosses comme 50 boas réunis.
Demain et après demain, Rose et Raoul reviendront sur ce site, certains qu’en trois jours ils n’auront qu’effleuré la beauté du lieu tout en ayant réalisé une assez bonne performance physique. Mais auparavant, ils changeront de chauffeur car pour poursuivre leur découverte, faut-il encore qu’ils restent en vie ce que ne leur garantit nullement celui qui les conduit lequel s’obstine à tenir parfaitement sa gauche dans un pays où l’on roule à droite.