Les femmes « à long cou », un ethno tourisme qui dérange
Khun Yuam, 17 mars 2002.
La vieille dame, belle et digne, derrière son étal, désigne à Raoul une carte postale. La femme au long cou cerclé d’anneaux de cuivre qui y figure, c’est elle! Ses yeux brillent de fierté. Elle appartient à l’ethnie Padaung “à long cou” qui s’est réfugiée au nord de la Thaïlande pour échapper aux persécutions de birmans. A l’entrée des villages padaung les touristes doivent payer une somme relativement importante destinée à la communauté. En contre partie, ils peuvent librement déambuler et photographier les femmes “au long cou” ou celles “aux oreilles allongées” qui s’y soumettent volontiers. Une partie du village est réservée à cet accueil. Les femmes au long cou, devenues commerçantes, proposent des objets d’artisanat fabriqués ailleurs par d’autres ethnies.
Rose ne supporte pas cet ethno-tourisme” qui, dit-elle, consiste à venir voir des femmes transformées en objets, à la suite d’une atteinte à leur intégrité physique. On ne les considère pas pour ce qu’elles font, mais pour ce qu’elles sont devenues”.
Mêmes si ces femmes sourient et ne semblent pas malheureuses, même si elles affirment que le tourisme leur apporte des revenues très supérieurs aux leurs en Birmanie, Rose est convaincue que cet argent les enferme dans leur statut de “mutilées”. “Aurait-on imaginé, photographier les petits pieds déformés des chinoises, sans honte, sans révolte? On n’ôte pas 20 cm d’anneaux de cuivre, en fin de journée, comme certains le font avec une tenue de peau rouge revêtue pour complaire aux touristes. On les porte à vie.”
“La vraie générosité, ajoute Rose, serait d’empêcher ce tourisme et d’aider ces populations à abandonner de telles pratiques et à améliorer leurs conditions de vie.”
Un autre cas de conscience surgit le lendemain au grand marché hebdomadaire des vêtements et des articles de bazar de Khun Yuam. Toutes les ethnies alentour se retrouvent là pour des emplettes exceptionnelles. Rose aperçoit une vieille femme, très pauvre qui va pieds nus parmi les étals, vêtue d’habits traditionnels sales et usés qui soulignent sa condition extrême.
La photographier? Comment? En se plantant devant-elle? En le lui demandant? Et que va-t-elle penser? Qu’on la photographie parce qu’elle est belle ou parce qu’elle sue la misère? La questionner, ne revient-il pas à lui imposer une inutile blessure supplémentaire? Il n’y aura pas de photo de la vieille dame.