Sacrés rats de Karni Mata !
Bikaner, 10 février 2003
Raoul a dû un peu forcer Rose pour qu’elle se rende au temple Karni Mata de Deshnok dans le Rajasthan. Il n’a pas compris pourquoi cette réticence. Rose s’est accoutumée à côtoyer les vaches sacrées et elle aime bien les animaux, alors pourquoi pas Karni Mata ? Parce qu’on y vénère des milliers de rats grassement nourris qui courent entre les pieds des fidèles et des visiteurs ? Raoul a du mal à le croire. Dans ce temple les rats sont partout : la moindre arabesque de fer forgé en porte un, la plus petite anfractuosité en abrite d’autres, ils sont cinquante à laper avec frénésie dans une énorme écuelle de lait et autant dans le saint des saints à s’empiffrer des sucreries offertes par les fidèles. Les divinités sillonnent les cours du temple dans tous les sens, en silence. Des blessures sanguinolentes aux pattes et à la tête témoignent que, parfois, les rats sacrés ne se considèrent pas comme tels entre eux. Rose n’a pas eu la chance qu’une divinité marche sur ses pieds ce qui aurait été un heureux présage. Quant à lui faire ingérer une miette de nourriture préalablement mâchée par un des occupants du temple, ce qui est, parait-il, l’assurance d’une protection divine à toute épreuve, Raoul n’a même pas osé le lui proposer.
La visite de Karni Mata a ravi Raoul, qui voulait savoir jusqu’à quelle hauteur la sacralisation, la dévotion et la quête du suprême pouvaient s’élever. Il tient la réponse : à l’infini!