Traversée de l’Outback
Temps fort du périple australien des Piche, la traversée de l’outback depuis Port Augusta dans l’Etat d’Australie du sud, à Conclurry dans l’Etat des territoires du nord, soit environ 4000 km de « désert ». Désert entre guillemets car la végétation y est constante sous forme de buissons, d’arbustes, parfois même d’arbres, voire de touffes d’herbe clairsemées sur un sol rouge. Hormis la couleur, cela évoque plus la pampa argentine, avec des plantes plus hautes, que les déserts de Tar, de Gobi ou le Sahara. Les animaux n’y sont pas rares même si ceux vus par Rose et Raoul Piche étaient plutôt à l’état de squelettes en bord de route après collision avec des véhicules et nettoyage par des oiseaux charognards. La route est un excellent garde manger. La route, parlons en. Il s’agit banalement d’une double voie pas très large, aux allures de bonne départementale. La vitesse autorisée est de 110 km/h ce dont ne se privent pas les Road Train, ces camions de 53 mètres de long, trois énormes remorques attelées et … 66 roues ! Rose et Raoul qui conduisent alternativement une heure chacun pour des étapes de 600 km à 700 km croisent en moyenne un de ces engins à chaque fois qu’ils tiennent le volant. Les voitures sont aussi peu fréquentes donnant aux Piche l’illusion d’être seuls au monde, les rois du macadam. Bien sûr, ils ont stocké une tonne d’eau, de la nourriture pour quinze jours et gavé le réservoir d’essence pour aller facilement d’une pompe à l’autre (distantes de plusieurs centaines de kilomètres) sans anxiété de la panne sèche.
Température extérieure 40° à l’ombre. Ici un panneau publicitaire annonce un établissement installé 480 km plus loin, là un de ces bars station-service que snobent les kangourous. Si désert il y a, il est surtout humain. Sur une surface plusieurs fois grande comme la France on ne compte guère plus de 40 000 habitants.
Finalement, au bout de la route d’étranges apparitions. Coober Peddy d’abord. La ville des mines d’opale (80% de la production mondiale). Une cité troglodyte. La plupart des mineurs ont creusé leur maison sous terre ce qui leur procure une température constante de 24 degrés toute l’année. Les hôtels s’y sont mis aussi et même les campings (on peut planter sa tente sous terre) !
Les Piche ont visité deux mines dont l’exploitation est toujours très artisanale. Rose a gratté une montagne de cailloux pour trouver des opales. Les mineurs ne parlent jamais de leurs découvertes. Personne ne saura donc ce qu’elle a trouvé mais si vous passez à la maison…
Seconde apparition au bout de la route : Ayers Rock. Etonnant rocher rouge de 360 mètres de haut, jailli d’un désert plat à l’infini. Aussi emblématique de l’Australie que les koalas ou les kangourous, maintes fois vu en photo, il fait partie de ces visions qui ne déçoivent pas lorsqu’on les découvre « pour de vrai ». Notamment au coucher du soleil. Les Monts Olga, un peu plus loin, aux formes plus variées, permettent d’explorer des canyons qui donnent une assez bonne idée de l’exploration martienne…
A Alice Springs, capitale de l’Outback, les Piche découvrent la triste situation d’une partie de la population aborigène. Petits groupes installés un peu partout sur les gazons, sur les bancs, ce sont de véritables miséreux dans un état de santé visiblement déplorable. L’interdiction de la consommation d’alcool hors des lieux privés, la vente d’essence « non sniffable » (textuellement écrit sur les pompes), la multiplicité des administrations d’assistance laisse à penser que l’Etat australien n’a pas réussi à donner à tous une place digne dans ce pays. Cela en dépit d’efforts apparemment considérables depuis une vingtaine d’années. L’autre vision de la présence aborigène sont les galeries d’art qui vendent les oeuvres abstraites très remarquables d’artistes du fin fond du bush.
Mais l’habitant omniprésent du coeur de l’Australie est de petite taille. Il a des ailes, vole par dizaines autour du visage, fait « bzzzzzzzz » dans les yeux et les oreilles : sa majesté la mouche ! La densité est telle que l’on doit porter une voilette dès qu’on se promène dans la nature. Par chance, Dieu dans son infinie bonté, a programmé les mouches pour qu’elles s’endorment au coucher du soleil. Le répit, enfin ! Juste le temps aux moustiques d’affûter leurs aiguillons et de passer à l’attaque.
Rose et Raoul commencent à comprendre pourquoi dans ce pays sans eau, à la température torride, peuplé de mouches et de moustiques aussi peu d’humains ont choisi de vivre.
Pas folles les guêpes !
A bientôt