Les Piche étrangers parmi les étrangers
Parvenus à Mazatlan sur la côte pacifque du Mexique, les Piche réalisent qu’ils ont franchi une frontière invisible.
Sur la belle place du centre historique, ils ne croisent que des têtes chenues qui déambulent ou sont attablées aux terrasses des restaurants. Leur accoutrement, grande visière protège soleil pour les femmes , short aux genoux, nus pieds avec chaussettes blanches, chemisette et démarche texane, tout juste descendu de cheval pour les hommes font prendre conscience aux Piche qu’ils sont devenus encore plus étrangers parce qu’étrangers parmi des étrangers.
Mazatlan, port d’escale des bateaux de croisières venus des Etats-Unis reçoit des milliers de passagers chaque jour, exclusivement Etats-Uniens. Ils envahissent la ville.
Tout un groupe, sagement aligné devant l’arrrêt du bus touristique “hop on ! hop off !”, offre aux Piche un bel échantillon, ce qui permet à Rose et Raoul de se livrer avec délices au délit de faciès.
- Tu te rends compte ! Ce sont ces gens là qui dominent le monde ! Lance Rose, atterrée, dans une première salve, en détaillant ces petits blancs bizarres venus du nord.
Les Piche savent bien que ces moutons, alignés là, ne représentent pas tout les USA. Il n’empêche : lire chaque jour les exploits intellectuels de Donald Trump et retrouver ses groupies sur la côte pacifique du Mexique est un choc.
Seconde salve, lancée par Raoul qui ne veut pas être en reste :
- Et encore, eux, on les voit. Mais il y a ceux que l’on ne voit pas et qui influencent lourdement la vie dans ce pays. Regarde les chaînes câblées, uniquement des TV nord américaines, ou, si elles sont mexicaines que des niaiseries de même origine. Plus fort, en important leur mal bouffe, ils réussissent à sculpter les corps des Mexicains…
- Sculpter, sculpter comme tu y vas. La sculpture se fait par enlèvement de matière. Là, il s’agit plutôt d’ajout massif ! Rétorque Rose, toujours très réactive face à l’obésité généralisée.
- Le “soft power”, c’est ça précise doctement Raoul. En imposant un modèle culturel, on impose, en douceur, un mode de vie, un type de socièté et le système économique qui va avec. Redoutable.
- Aïe, aïe s’exclame soudain Rose lorsqu’un sino-américain soutenu par deux personnes s’écroule sur le banc à côté d’elle. “Tu marches trop vite, lui dit sa femme”. Les Piche nouent conversation. L’essoufflé a 86 ans et elle un peu moins. Ils sont de Los Angeles. Elle explique aux Piche qu’elle a travaillé jusqu’à 80 ans et qu’elle effectue là son premier voyage au Mexique. Une croisière d’une semaine. “Quelle est votre prochaine escale ?” “Je ne sais pas, je suis…”
A la vérité, à Mazatlan, il y a aussi des Mexicains : les mendiants le sont tous et même ce sont les plus Mexicains des Mexicains puisqu’ils sont en majorité Indiens. Du point de vue du marketing, ils s’adaptent et interpellent les “clients” en anglais. Pour eux, peut être un premier pas vers le rêve américain promu par Hollywood.
- En attendant, sentence Rose, au Mexique, pour certains, le “soft power” est plutôt “hard”.