“La torture doit produire de la douleur sans provoquer de blessure ni endommager le corps”
Lima, 10 janvier 2007
Il est des lieux propices aux voyages dans le temps.
La bibliothèque du monastère San Francisco de Lima au Pérou est de ceux-là.
En franchissant son seuil, Rose et Raoul Piche se retrouvent 400 ans en arrière. Ils voient les moines penchés sur quelques uns des 25 000 ouvrages aux couvertures de cuir qui tapissent les murs sur d’interminables rayonnages de bois sombre. Deux escaliers en colimaçon donnent accès à une sorte de chemin de ronde permettant d’atteindre les livres en hauteur. Sur les tables de consultation, des ouvrages semblent attendre ceux qui les ont délaissés un instant et vont revenir poursuivre leur étude.
Dans ce lieu dédié au savoir, à la connaissance et à la réflexion, Raoul se surprend à penser que les religieux formaient l’élite de la civilisation de cette époque.
Une heure plus tard, il est convaincu du contraire.
Entre temps, les Piche se sont rendus dans les locaux du Congrès de la République du Pérou, autrefois siège de l’inquisition espagnole.
Le musée de l’inquisition qui y est installé rappelle opportunément que la science des moines servait aussi à établir les règles morales et religieuses que le bon peuple devait suivre, faute de quoi, l’inquisition se chargeait d’eux.
Inquisition dont les modalités de fonctionnement étaient elles-mêmes établies par les savants religieux.
En voici quelques unes relevées par Raoul :
“le principe de base de la torture est de produire de la douleur sans provoquer de blessure ni endommager le corps de façon significative”.
Les tortures les plus utilisées étaient :
- “el potro”, autrement dit l’écartèlement;le supplice de l’eau qui consiste à gaver d’eau le supplicié ce “qui procure une sensation d’étouffement, de suffocation”"
- la “garucha”, on attache les mains derrière le dos puis avec la même corde on soulève le supplicié jusqu’à 4 mètres de hauteur et on le laisse tomber, la corde arrêtant sa chute juste avant qu’il ne touche le sol.
Effet garanti.
Les religieux avaient beaucoup étudié pour rédiger des règles telles que :
“Une torture ne peut pas durer plus d’une heure et quart”, ou encore “pour qu’une confession obtenue sous la torture soit valide, elle doit être confirmée librement quelques jours plus tard”" (!!!)
Parmi, les interdits auxquels s’attaquait l’inquisition figurait la détention de livres mis à l’”index” notamment ceux de dangereux gauchistes dénommés Voltaire, Rousseau et Montesquieu.
Etrange bibliothèque que celle qui sert à interdire des livres.
On dit que le frère franciscain Vincente Valverde a étudié dans la bibliothèque qui a tant impressionné Raoul Piche. Valverde est le saint homme qui a soufflé à Francisco Pizzaro l’idée d’exécuter le chef inca Atahualpa alors que ce dernier avait versé la rançon exigée par les
Espagnols.
Finalement, Raoul se prend à penser que les hommes les plus civilisés de cette époque n’étaient peut être pas ceux qui fréquentaient la superbe bibliothèque du couvent San Francisco.
Mais naturellement, ces temps sont révolus et personne ne songerait aujourd’hui à justifier la torture, notamment pas les dirigeants du pays le “plus développé” de la planète.
Aucun religieux, d’aucune religion n’aurait l’idée de lancer une fatwa, pardon de mettre à l’index le moindre livre, la moindre image, le moindre texte.
Certainement pas, certainement pas, certainement pas, certainement pas…