Chien bouillu chien foutu !

20 mars 2006

Cheng Yang, 20 mars 2006

- Qu’est-ce qu’ils nettoient dans la rivière, là-bas, au pied du pont ?

- On dirait des bêtes !

- Je me demande si ce ne sont pas des chiens.

Poussés par la curiosité les Piche avancent sur le splendide “Pont de la pluie et du vent” de Cheng Yang pour en avoir le coeur net. Plutôt retourné, en réalité, le coeur de Rose lorsqu’elle découvre qu’effectivement les deux jeunes Chinois raclent consciencieusement la peau de chiens morts raides comme du bois. Raoul, lui, dégaine son appareil photo. Pendant un moment les Piche suivent les opérations : nettoyage, vidage, récupération des boyaux, découpage.

- Finalement je fais pareil après une partie de pêche sous-marine, déclare Raoul.

- Mais il n’y a pas de poisson domestique ! On ne caresse pas les poissons, ils ne font pas les yeux doux aux hommes et ne se frottent pas à eux avec contentement.

- Oui, mais ils ne mordent pas non plus et ne transmettent pas la rage, contre argumente Raoul avec mauvaise foi.

Quelques jours plus tard les Piche retrouveront un chien entier et quelques morceaux (dont les têtes) d’autres canidés sur un étal du marché de Zhao Xing.

Ce met ne semble donc pas être exceptionnel dans la région agricole du Guizhou.

Hormis son marché à chien, Zhao Xing est un superbe village paysan aux maisons de bois, avec de multiples ponts couverts, des chemins pavés de galets arrangés en formes géométriques, de très grandes “tours du tambour” (lieux de réunions et de fêtes), des mini-théatres et il y règne une grande activité. Aucun touriste, ni Chinois, ni occidental en cette saison.

Quelques jours plus tard le décor change pour les Piche qui se retrouvent à Kunming, grande métropole régionale du Yunnan.

D’immenses avenues, très larges, traversent la ville bordées des commerces les plus modernes sis aux pieds de buildings de verre et de béton. Dans quelques rues ont été conservées, in-extremis, de vieilles et belles demeures mais leur survie semble problématique. Certaines sont déjà cernées par des immeubles dix fois plus hauts qu’elles. Ailleurs, des murs interminables ont été édifiés pour cacher les quartiers les plus misérables aux yeux des touristes. Car Kunming est une ville qui attire les touristes chinois en grand nombre, pour son climat doux et ensoleillé et pour la fameuse “forêt de pierres” de Shilin à 130 kilomètres de là.

C’est à Shilin que les Piche découvrent le tourisme de masse chinois. Des dizaines et des dizaines de tribus d’une cinquantaine de personnes suivent des guides brandissant de petits drapeaux de couleur. Ils évoluent ainsi, groupés, sur les chemins étroits qui sillonnent le site. Aller à contre-courant de ces hordes pacifiques est mission impossible. Les Piche en sont quitte pour s’éloigner des sentiers battus.

Ils retrouvent la même foule, 400 kilomètres plus loin, à Lijiang, village aux rues pavées et aux maisons traditionnelles d’une beauté si exceptionnelle qu’il a été classé au patrimoine mondial de l’humanité.

La qualité photogénique de Lijiang fait penser à Venise bien que ces lieux soient radicalement différents. Tout est si beau à Lijiang que même le tourisme massif n’est pas parvenu à l’enlaidir ! L’entrelacement des ruelles, uniquement parcourues par des piétons est tellement tortueux que les Piche s’y perdent sans cesse, non sans délice.

Hier, au milieu de la nuit un touriste occidental a du appeler son hôtel qu’il ne parvenait pas à retrouver après 3 heures de vaines recherches. Il y a aussi d’excellentes tavernes et de très bons vins à Lijiang…

PS : “Pour bien faire mille jours ne sont pas suffisants. Pour faire mal, un jour suffit amplement”. Proverbe chinois.

A chacun son ornière et sauve qui peut !

19 mars 2006

Cheng Yang, 19 mars 2006

“Il est un peu destroy le bus”, remarque Rose en contemplant l’engin campagnard que Rose et Raoul Piche doivent emprunter pour aller de Longsheng à Sanjiang. A l’heure dite, chargé d’oeufs, de sacs d’engrais et d’un bric à brac agricole que chaque passager emporte avec lui, le bus s’ébranle.

La route est chaotique, anciennement asphaltée elle comprend de nombreux nids de poule. L’asphalte disparaît bientôt. Petit à petit des ornières apparaissent, la route devient piste boueuse. Le bus met ses roues dans les traces existantes.

Ce n’est plus une route, c’est du tout terrain.

Le bus part en glissade de droite et de gauche en fonction de l’épaisseur de la boue. Mille fois il est sur le point de ne pouvoir continuer, mille fois il passe, au pas, mais il passe. De temps à autres, il escalade un rempart de boue et prend un angle de gite qui arrache des exclamations à Rose. Raoul la rassure “tant que nous ne sommes pas au-dessus d’une déclivité le bus ne risque pas de verser”. A peine a-t-il dit cela que l’engin franchit un passage en surplomb qui découvre, aux yeux horrifiés de Raoul, un bâti de béton portant une forêt de tiges d’acier pointées vers le haut tel un piège à tigre. “Si on verse, on s’empale” , pense-t-il.

Ca passe.

Une belle vallée se découvre sur la droite, très en contrebas. “Une glissade de trop et hop, le dernier plongeon !” . A intervalles presque réguliers le bus des Piche se retrouve face à des camions ou à des bus embourbés restreignant le passage. Il faut les savantes manœuvres du chauffeur pour résoudre le problème. Souvent, il doit créer une nouvelle voie dans les massifs de boue fraîche. A plusieurs reprises, cela nécessite une étude du terrain et des grandes discussions avec le chauffeur “d’en face”, ce qui permet à Raoul de quitter son siège pour aller photographier la scène.

Le bus peine de plus en plus à gravir les raidillons et leurs ornières maintenant profondes de 60 cm. L’odeur caractéristique d’un embrayage qui chauffe laisse à penser que la partie n’est pas gagnée. Bingo ! Le bus s’arrête, le chauffeur ouvre le capot du moteur fumant. Il bricole et repart.

Un peu plus loin les roues patinent, impossible de continuer. Le chauffeur se saisit d’une bêche, dégage la boue agglomérée devant le véhicule et réussit à débloquer la situation. 500 mètres de gagnés. Et ça recommence. Un coup de bêche, nouveau départ. Plus loin l’embrayage fume à nouveau. Arrêt. Caresses au moteur dans le sens du poil, ça repart.

Finalement, la piste disparaît pour laisser la place à un vaste terrain vague très large où la règle semble être “à chacun son ornière et sauve qui peut”. Les “embourbés” sont de plus en plus nombreux et les Piche commencent à penser que leur chauffeur est plutôt meilleur que les autres. Un artiste du volant. Du coup, ils lui pardonnent de les avoir arnaqués au départ de 30 yuans.

La “piste” constitue une attraction pour les villageois qui se massent à ses abords pour suivre les enlisements, les glissades, les manoeuvres. Ce sont les jeux du cirque. Finalement, tel Spartacus, le chauffeur du bus “830″ sort vainqueur du combat après 5 heures d’efforts et 66 km parcourus. Les Piche, qui depuis un moment font corps avec lui, sont également très fiers d’appartenir à l’équipe gagnante. Celle qui ne finira ni empalée dans un piège à tigre, ni écrabouillée au fond d’une vallée mais qui passera la nuit dans un lit douillet d’une maison de bois à Cheng Yang, rêvant de TGV et d’autoroute à quatre voies.

PS “Ne craignez pas d’être lent, craignez seulement d’être à l’arrêt”. Proverbe chinois.

Des femmes dures à la tâche

16 mars 2006

Pingan, 16 mars 2006

- Elle est aussi âgée que moi, je ne vais pas lui faire porter ma valise jusqu’au village, là-haut !

En dépit de l’empressement de la vieille dame, en réalité beaucoup plus âgée que Rose, celle-ci s’obstine à tirer son sac-à-dos-valise-à-roulette sur le chemin qui grimpe vers Ping An, village de la minorité Dong perché au sommet des collines. La pente est si raide qu’après dix minutes le sentier devient escalier. Alors, Rose jette l’éponge. Elle abandonne son bagage à la vieille dame, tout sourire, qui avait suivi, se doutant qu’au début des marches elle aurait ses chances. Cette dernière, place le sac dans la hotte qu’elle porte sur son dos.

Dix minutes plus tard, le village Dong apparaît dans toute sa splendeur. Les grandes maisons de bois sombre, aux proportions harmonieuses, aux fines tuiles arrondies et aux toits à pentes multiples s’étagent sur le flanc de la colline. Ni voiture, ni vélo tant les allées qui font office de rues sont pentues et étroites. Lorsque deux personnes se croisent l’une s’efface pour laisser le passage. A chaque croisement les Piche se fendent d’un sonore “Ni Rao” (bonjour) et reçoivent en retour le même salut souvent accompagné d’un sourire amical.

Les deux seuls moyens de transport sont le balancier de bambou sur l’épaule pour les marchandises et… la chaise à porteur pour les riches touristes chinois. Les femmes vêtues d’habits traditionnels, jupe noire et corsage fuschia ornés de broderies portent, en guise de coiffe, des serviettes de bain aux teintes vives, nouées en turban.

L’hôtel où sont conduits les Piche est une construction en bois, inachevée, bâtie sur le modèle des maisons traditionnelles. L’hôtesse leur vante “l’eau chaude 24h/24h”. Elle est en dessous de la vérité. La douche ne comporte que le robinet d’eau chaude ou plus exactement d’eau bouillante. Inutilisable sous peine de graves blessures. Seule solution, remplir un seau, ajouter de l’eau froide du lavabo (qui, lui, n’a pas de robinet d’eau chaude) et verser le tout sur le corps.

Les Piche sont séduits par ce village entouré de cultures de riz en terrasses qui dessinent le relief en élégantes courbes de niveaux. De Ping An, Rose et Raoul gagnent le village de Zhuang en une heure de ballade à travers les rizières. Mêmes constructions, même beauté, mais très pauvre.

Les vieilles femmes portent gravés dans leur corps les efforts d’une vie de travail de la terre : le dos bloqué à 90º, elles marchent, pliées en deux, dans leurs vêtements noirs, le regard fixé vers le sol.

- Regarde un peu comment elle va devenir à cause de toi, la vieille dame à laquelle tu as donné ta valise à porter ! Lance Raoul, cynique, à Rose.

Rose se tait. Au jour du départ, la même porteuse est à la porte de l’hôtel pour prendre à nouveau le bagage. Elle est accompagnée d’autre femme qui demande le sien à Raoul.

- Alors, Mossieur le moraliste, lance Rose à Raoul. Tu vas lui refuser les 10 yuans qui lui permettront de vivre trois jours sous prétexte que cela lui évitera des problèmes de dos, plus tard ? A son tour, Raoul reste muet, place lui-même son sac sur le dos de la femme et entame la descente le corps allégé mais l’esprit alourdi.

PS “Mieux vaut essuyer la larme du paysan que d’obtenir cent sourires du ministre”, proverbe chinois.

Faux et usage de faux !

15 mars 2006

Yangshuo, 15 mars 2006

- Non, il est faux ce billet, je n’en veux pas !

Interloqué, Raoul récupère des mains du patron de l’hôtel son billet de 100 yuans et lui en tend un autre.

Circonspect, le patron examine la coupure. Même refus.

Troisième billet.Troisième refus. Raoul qui commence à s’inquiéter, semble percevoir dans l’oeil du tenancier un doute sur son honnêteté.

Pour en avoir le coeur net, Raoul Piche se rends à la Bank of China de Yangshuo. Tous faux. Tous confisqués. En deux minutes, il se voit dépossédé de 300 yuans (30 euros, un mois de salaire d’un paysan chinois). Pour ce prix, le banquier lui montre les imperfections des contrefaçons.

Un anglais, présent dans la banque, s’intéresse à la scène. Habitué du pays, il doute que ces faux proviennent du change opéré précédemment par les Piche auprès de la banque nationale chinoise. “Vous n’auriez pas laissé de l’argent en caution quelque part ?”. Interrogation pertinente. Ces trois billets ont été récupéré par Raoul lors du retour des bicyclettes louées la veille. Arnaque classique semble-t-il. Bien que l’origine en soit parfaitement établie, impossible d’obtenir réparation. Cette leçon vaut bien 300 yuans sans doute.

Honteux et confus, Raoul jura, mais un peu tard qu’on ne l’y reprendrait plus.

Pour les Piche, Yangshuo fut une étape à la fois agréable et difficile.

Difficile à cause de la pluie, du froid et de l’humidité. Alors que deux jours auparavant, Rose arpentait les rues de Canton en chemisette à la recherche d’un beau scorpion frais, la voici tout à coup grelottante, sous son parapluie, en dépit de cinq couches de polaires et autres Goretex.

Agréable, parce que le paysage de Yangshuo est fabuleux. Yangshuo, c’est la baie d’Halong (confer “Indochine”, le film avec Catherine Deneuve) dont la mer aurait été remplacée par des rizières, des rivières et, entre les deux, par des chemins. Pédaler au milieu de ce paysage est un plaisir dont les Piche ne se sont pas privé.

Ils ont même embarqué à bord d’un bateau pour une vision à partir du fleuve Li. Hélas, ce jour là, la brume était tenace. Au détour d’un méandre, des touristes chinois ont sorti des billets de 20 yuans pour comparer le paysage imprimé sur la coupure avec celui qui se présentait à leurs yeux. C’était le même. L’un des plus beau paysage karstique de Chine. A un détail près, seuls les premiers monts étaient visibles, l’arrière plan, très net sur les billets, disparaissait dans la brume.

“Encore un faux, lacha Raoul, amer”.

PS “L’homme sage apprend de ses erreurs. L’homme plus sage apprend des erreurs des autres.” Proverbe chinois.

L’art de parler chinois aux chinois

10 mars 2006

Canton, 10 mars 2006

Lorsqu’à Macao Raoul a aligné deux mots de mandarin pour acheter une bouteille d’eau, son interlocuteur chinois a paru ravi et surpris. Moins que Raoul d’être compris ! Encouragé, le vendeur s’est mis à débiter un flot de paroles qui, pour Raoul, étaient du chinois et le restait. D’autant que son vocabulaire, très limité, se concentre sur les nombres, les heures, les jours.Dans le bus qui conduit les Piche de Macao à Canton, Raoul jubile parce qu’il vient de saisir trois mots dans le feuilleton diffusé sur le moniteur TV : 18,19 et 20 ! 18, 19, 20 se rapportant à quoi, ça il l’ignore.

Rose lui fait remarquer qu’il sera difficile de conduire une conversation à coups de chiffres et d’heures.

- 4, 7, 8. 12 h 15, 20 h 30 !

- Peut-être avec des joueurs de loto ? suggère Raoul.

Pour les Piche, Canton constitue le véritable début du voyage en Chine continentale. Fini l’anglais de Hong-Kong, encore assez largement parlé à Macao. Il faut pouvoir communiquer en chinois dans diverses situations. Pour cela les Piche recourent à divers artifices. En arrivant à Canton (Guangzhou) ils se font conduire en taxi à leur hôtel en montrant, sur un plan, le nom de la rue écrit en chinois. Lorsqu’ils prennent le métro dans Canton ils apprennent à lire le nom des stations en caractères chinois en usant de moyens mnémotechniques.

Pour eux, le nom de la station proche de leur hôtel s’écrit de la façon suivante : des siamois et un sextant. Celle où ils se rendent ensuite c’est : “un diplômé anglais (le truc plat sur la tête), un carré ouvert en bas, un carré fermé”.

Le nom des villes est indispensable pour prendre les bus et lire les panneaux d’affichage (les heures s’affichent comme en occident).

Ainsi, les Piche savent parfaitement identifier les noms de Guangzhou (Canton) = la lettre grecque gamma, trois petits bonhommes ; Guilin = une danseuse, un sapin, deux danseuses ; Yangshuo = la lettre grecque béta, une armoire, un sapin, une petite armoire ; etc.

Chaque jour leur vocabulaire s’enrichit. Pour ne pas commettre d’impair mieux vaut reconnaître les symboles “homme” et “femme” sur les portes des toilettes. Pour “femme” Rose a trouvé une symbolique… inavouable et pour “homme”, Raoul voit un homme qui court avec en guise de tête, une fenêtre !

A l’oral les choses sont plus compliquées surtout lorsque leur interlocuteur s’escrime à indiquer un prix en anglais avec un accent tellement incompréhensible que Raoul ne saisit pas ce chinois là. Mais l’infranchissable c’est WindowsXP dans les cyber cafés. Si les pictogrammes sont les mêmes que dans les versions occidentales, cela se gâte franchement avec les menus déroulants.

Mais le pire du pire, c’est la propension qu’ont les PC Chinois (pas LE PC chinois, rien de politique dans cette remarque) à transformer les caractères accentués français en caractères chinois. On taira les ruses employées pour tourner cette difficulté. Elles ne fonctionnent pas toujours et Raoul n’est pas loin de penser “après tout, pourquoi ne pas envoyer des textes avec des caractères chinois en laissant à chacun le soin d’en interpréter la poésie”.

Cela pourrait conduire à lecture suivante : “Nous sommes all(petite porte avec un sapin)s manger dans un restaurant tr(montagne de perles)s pris(petite porte avec un sapin). Les g(pagode, armoire à tiroir)teaux pris au dessert sont excellents bien qu’un peu trop sucr(petite porte avec un sapin)s.

A bient(épis de maïs, petit bonhomme bras écartés)t.

PS : “Si vous ne voulez pas qu’on le sache, mieux vaut encore ne pas le faire”, proverbe chinois.

“Vous reprendrez bien un peu de scorpion ?”

9 mars 2006

Canton, 9 mars 2006

“A Canton tout se mange, sauf les avions et les bateaux” dit le proverbe.

C’est vrai. Ce matin, Mme Piche s’est rendue au marché. Elle a d’abord dédaigné les milliers de scorpions grouillants sur une pièce de tissu posée à même le trottoir. Trop petits. Elle s’est ensuite dirigée vers les hippocampes séchés. Les grands, longs, lui plaisaient lorsque son regard s’est porté sur une bassine de mouches vertes de belle taille qui l’ont encore plus séduite.

A côté une autre bassine remplie à ras bords de blattes de moyenne grosseur l’ont laissée de marbre, surtout à 10 yuans la livre. Tout augmente. Les grosses souris séchées ne lui disaient rien non plus. Mme Piche est ainsi, elle a ses préférences. Par contre, elle a fort apprécié le fagot de serpents séchés qui pourrait aisément lui faire plusieurs jours. Ici des tortues vivantes approchant le kilo retiennent son attention.

Oh! surprise, juste à côté d’elles, de gros et magnifiques scorpions noirs très vivaces l’attirent bien plus que les misérables insectes vus à l’entrée du marché. Percevant son intérêt, le marchand en saisit deux par la queue et les soulève sous son nez. Rose Piche apprécie.

Ah! mais voilà qu’un étal de scolopendres propose de belles bêtes, le corps bordé d’une myriade de pattes, qui se tortillent vigoureusement en grimpant les unes sur les autres. Un met de choix. Devant tant de beaux produits, Rose hésite, elle n’arrive pas à se déterminer. Raoul pressentant que cela va se terminer au restaurant, prend les devants.

- Si nous allions déjeuner chez Hong Xing ?

- Oui, pourquoi pas, il est tard et je n’ai pas trop envie de cuisiner.

Au restaurant, Raoul a l’impression de se retrouver au marché ici aussi les produits sont de première fraîcheur et pour cause : tous sont vivants et choisis par les convives dans leurs viviers. Les serpents se dressent, glissant les uns sur les autres, des dizaines d’espèces de poissons disposent chacune de leurs bacs, pareillement pour la multitude de coquillages, depuis les petits couteaux (moitié en taille des méditerranéens) jusqu’aux énormes abalones en passant par les crabes et les langoustes.

Raoul opte pour ce qui lui semble être une bouillabaisse parce que sur la photo du menu il aperçoit de belles têtes au doux regard de pagre rose.

Mauvaise pioche. Il s’agit d’une soupe de têtes de poissons, uniquement de têtes. Après la peau craquante de poisson à Hong Kong, la soupe de tête de poisson à Canton ! Raoul fulmine. “Tant de bonnes choses et je choisis un truc où finalement il n’y a rien à manger”!

Pendant ce temps, Rose se régale d’un délicieux plat de crevettes grillées.

Mauvais joueur, Raoul lance à Rose :

- Au fait, ce superbe chat blanc avec ses yeux d’un bleu incroyable que l’on a vu au marché tu ne crois pas qu’on pourrait l’acheter ?

- Tu as deviné qu’il me plaisait.

- Il doit être craquant… en ragoût .

- Salaud !

PS  Proverbe Bouddhiste “Si on regarde dans la bonne direction, on n’a qu’à continuer à avancer”.

Le règne du luxe

4 mars 2006

Hong Kong, 4 mars 2006

Rose palpe délicatement les pétales de l’orchidée et s”exclame “c’est incroyable, elles sont vraies !”

- Et alors ? pourquoi tu trouves cela incroyable ?, s’étonne Raoul pataud.

- Tu en as déjà vu des orchidées le long des trottoirs dans des jarres municipales ?

- On voit bien des géraniums et des pensées chez nous.

- C’est ça, c’est ça. Toi et les fleurs …

Parmi les étrangetés de Hong Kong, Raoul est plus fort pour ce qui concerne la nourriture. Ainsi, il a trouvé moyen de se régaler avec un plat de peau de poisson craquante (garantie sans arrête ni chair de poisson, la peau, uniquement la peau). Quant au jus d’oranges pressées dégusté sur la petite île de Peng Chau, il tire son originalité de ses fruits venus de Californie. La mondialisation au fond des verres.

Dans un autre registre une spécialité plus locale fascine Raoul, il s’agit des échafaudages de bambous qui s’élèvent sur plusieurs dizaines d’étages le long des façades de béton. Un matériau léger, rigide et résistant issu de la technologie de la nature.

Très couleur locale également, les sampans habités du port d’Aberdeen à l’instar des péniches parisiennes.

Depuis cinq jours qu’ils découvrent Hong Kong, les Piche ne cessent de s’interroger sur le nombre incroyablement élevé des boutiques de luxe et sur la qualité de leurs agencements. Elles donnent le sentiment que les coeurs commerciaux de villes comme San Francisco ou Paris relèvent du commerce de sous-préfecture. Une première réponse à leur interrogation leur a été donnée à Kowloon lorsqu’ils ont constaté que les passerelles de débarquement des grands bateaux de croisière débouchaient directement dans la galerie marchande “Harbour city” forte de 700 de ces boutiques. La seconde réponse est venue de la lecture du “South China Morning Post”, elle leur a révélé que Hong Kong était la première destination de shoping des riches chinois continentaux lesquels se comptent désormais par millions.

Heureusement, il est facile d’échapper à cet univers d’acier brossé, de verre, de marbre et d’argent. Ce dont les Piche ne se privent pas. A une demi heure des grattes ciel par bateau, ils ont pu gagner des petites îles avec des villages aux ruelles étroites, des terrasses de café, des plages désertes, des maisons d’un seul étage et même des fermes biologiques.

Pour les Hong Kongais qui souhaitent un dépaysement plus total, la compagnie maritime “Star Pisces” propose des croisières de deux jours en direction de… nulle part ! Le navire met cap au large vers la haute mer puis il fait demi tour. Durant ce temps, les voyageurs vivent en un lieu extraordinaire pour eux. Un lieu totalement plat.

PS “Frappe ta tête contre une cruche. Si tu obtiens un son creux n’en déduit pas que c’est forcément la cruche qui est vide”. Proverbe chinois.

Hong Kong, objet urbain non identifié !

1 mars 2006

Hong Kong, 1 mars 2006

Dés leurs premiers pas sur cet étrange territoire, Hong Kong apparaît à Rose et Raoul Piche comme un Objet Urbain Non Identifié (OUNI).

Des forêts de crayons sont plantés dans le sol, en dégradé, du bas jusqu’au sommet des collines. ce sont les habitations des Hong Kongais. Des immeubles étroits de 30 à 40 étages aussi serrés les uns contre les autres que des voyageurs dans le métro aux heures de pointe. Aucune fioriture architecturale. La répétition du motif des fenêtres constitue la seule animation de ces surfaces lancées vers le ciel.

Au coeur de la ville, sur l’île même de Hong Kong, dans le quartier des affaires, les crayons sont de verre et de miroir immaculés. Un rappel du quartier de la Défense à Paris mais cent fois plus étendu, allongé en bordure de la mer de Chine. Les Chinois ayant toutes les audaces, à la nuit tombée, ces édifices portent les éclairages les plus variés en genre et en couleur transformant la façade maritime de la cité en spectacle kitch extraordinaire.

Rose et Raoul ont trouvé refuge dans une pension de famille sise au 14ème étage d’un immeuble du centre ville. Leur chambre est à l’image du territoire, on y trouve tout, agencé de façon parfaite en un espace minimal. Dans neuf petits mètres carrés, ils disposent de deux lits, d’un placard, d’un lavabo, d’une douche, d’un WC, de la télévision et de l’air conditionné. Le tout propre et entretenu. Une propreté helvétique qu’ils retrouvent dans les rues, les transports, les restaurants, les commerces.

Rien de vraiment surprenant au vu du luxe affiché au coeur de la ville. Les boutiques des marques les plus prestigieuses pullulent ainsi que les immenses galeries commerciales haut de gamme. Il est vrai que les Hong Kongais ont un look CSP Plus, voire CSP Plus Plus qui donne à Rose et Raoul Piche avec leurs petits sacs à dos et leur accoutrement Kiabi-habille-à-petit-prix un sentiment CSP Minus. Sur les passages piétons ils affrontent bravement les Mercédès, Lexus et contournent dédaigneusement les Rolls et autres Ferrari. Du moins lorsqu’ils marchent au même niveau que ces bolides car le plus souvent les piétons disposent de leurs propres voies, à hauteur d’un étage, qui courent d’un bâtiment à l’autre en les traversant.

Pour aller de Kowloon à l’île de Hong Kong, les deux moitiés de la ville de Hong Kong séparées par un bras de mer, Rose et Raoul Piche empruntent au choix le bateau, le métro, le bus, le taxi. Sans doute existe-t-il aussi une liaison par hélicoptère ou par OVNI qu’ils n’ont pas encore trouvée mais cela ne les surprendrait pas, tant ils sont acquis à l’idée qu’à Hong Kong rien n’est comme nulle par ailleurs.

PS “Le matin pluie et boue, le soir vent et poussière, demain chaud, voilà comme on voyage, même sans sortir de chez soi.” Proverbe chinois.

L’hôtel des Piche s’effondre !!!

28 mars 2005

Buenos Aires, 28 mars 2005

A la place du plafond un trou béant de plusieurs mètres.

Sur les lits et sur le sol, les briques et le plâtre forment une épaisse couche de gravats. Rue Bartholomé Mitré, à Buenos Aires l’hôtel Oriental vient de s’écrouler.

Pas totalement. Les chambres 207 et au delà sont effondrées, mais la 206, celle de Rose et Raoul Piche est intacte !

Pour l’heure personne ne le sait, pas même les pompiers. D’où l’interdiction faite aux Piche de pénétrer dans la bâtisse pour récupérer leurs affaires avant de trouver une auberge plus solide.

Au moment fatal, Rose et Raoul dînaient à l’extérieur comme la plupart des locataires de l’hôtel. Il n’y a donc eu aucun blessé. Vers minuit et demi, accompagnés du directeur de l’hôtel et d’un pompier, Rose et Raoul pénètrent enfin dans le bâtiment pour prendre leurs bagages. C’est à ce moment là qu’ils découvrent les dégâts en même temps que le directeur qui fait une drôle de tête, il n’est pas assuré !

En début de soirée un très violent orage venait de s’abattre sur la ville. A côté de l’hôtel Oriental, se trouve un parking  et à côté du parking une grande excavation d’un chantier en construction. L’eau s’y est accumulée et a sapé les fondations du parking qui s’est totalement effondré aplatissant la trentaine de voitures garées là et entraînant dans sa chute des éléments de l’hôtel.

En revenant du restaurant, les Piche ont aperçu les lumières bleutées de gyrophares, le rouge des camions de pompiers et la foule qui se pressait dans la rue de leur hôtel. « Mince, il nous refont le coup de Mexico ! ».

Un an auparavant, jour pour jour, les Piche avaient été évacués de leur hôtel, à Mexico, le feu ayant pris dans le bâtiment voisin. Gyrophares, pompiers, police, badauds.

Mais, non, cette année il s’agissait d’une variante.

Ayant survécu à un tremblement de terre (San José, Costa Rica, janvier 2004), à un naufrage (Tonlé Sap, Cambodge, février 2002), à un incendie (Mexico, avril 2004), à un effondrement (Buenos Aires, avril 2005) les Piche se demandent s’ils vont aller en Chine l’an prochain.

La dernière partie de leur voyage en Argentine a été placée sous le signe de l’eau.

Car avant d’éprouver les pluies diluviennes de Buenos Aires, les Piche ont apprécié les chutes d’Iguazu. Ce ne sont pas les plus hautes, ni les plus grandes mais certainement les plus belles du monde.

Aux confins du Paraguay, du Brésil et de l’Argentine les chutes d’Iguazu composées de 273 cataractes sont particulièrement  belles car très découpées et inondées de végétation. Rose et Raoul les ont parcourues en tous sens côté Argentin comme Brésilien tantôt les dominant, tantôt plongeant dedans grâce aux bateaux qui s’enfoncent sous elles.

Prévoyante Rose était en maillot de bain, Raoul lui en est ressorti entièrement lessivé, l’avalanche d’eau qui s’abat sur l’embarcation étant bien plus dense qu’une vulgaire douche. Le site remarquablement aménagé permet d’en découvrir les innombrables facettes de près, de loin et d’embrasser l’ensemble de ce panorama complexe, bruyant, agité mais surtout extraordinairement beau.

De retour à Buenos Aires, pour leur dernière semaine de séjour, les Piche se sont consacrés à un « rattrapage » culturel : concert lyrique au théâtre Colomb qui rappelle l’Opéra de Paris, semaine du nouveau cinéma français ! Spectacles de tango, musées, etc.

Leur maîtrise insuffisante du Castillan les a retenus d’aller au théâtre bien que l’offre soit plus qu’abondante. Avec 200 théâtres, Buenos Aires revendique le titre de première ville de langue espagnole au monde pour le nombre de théâtres. Raoul se demande ce qu’en pense Madrid. (« Hou, hou, Inès qu’en pense Madrid ? »).

Finalement, après avoir effectué, durant trois mois, 15000 km sur les pistes et les routes d’Argentine et du Chili, découvert des paysages qu’ils n’avaient jamais vus ailleurs, rencontré des gens naturellement accueillants, agréables et souriants les Piche ont repris le chemin de l’Europe tout à la joie de retrouver les leurs et de se rapprocher de leurs amis.

Un extraordinaire paysage 100% minéral avec toutes les nuances de l’arc en ciel !

18 mars 2005

Salta, 18 mars 2005

Changement radical pour les Piche, finis les paysages européens sous des cieux argentins.

Ils les troquent pour des sites lunaires et martiens hallucinants, si extraordinaires qu’ils ont été classés au patrimoine mondial de l’humanité par l’Unesco.

Ichigualasto est une zone très singulière investie par les chercheurs car lors des glissements des plaques tectoniques qui ont donné naissance à la cordillère des Andes, ici, le sol a été soulevé et couché, mettant à jour les couches sédimentaires les plus profondes ce qui permet de lire l’histoire de la terre à livre ouvert sur plusieurs centaines de millions d’années.

Quatre cents squelettes fossiles on été découverts dont celui du plus ancien dinosaure connu (225  millions d’années) à défaut d’être le plus spectaculaire (il ne mesure que trois mètres). Sous quasiment n’importe quel pli rocheux on peux voir des empreintes fossiles.

Les premiers paysages aperçus par les Piche dans cette fracture si particulière évoquent la lune et ses cirques gris et blancs (Ichigualasto a été surnommé la vallée de la lune). Plus loin, le gris lunaire le cède au rouge martien.

Les Piche entrent dans le parc de Talampaya aux étranges formes rocheuses façonnées par toutes les érosions imaginables, pluie, vent, rivières, glaciers, mouvements de la croûte terrestre. Le résultat est fascinant : ici une mur rouge, lisse se dresse sur 150 mètres de haut, là une autre paroi aussi haute, aussi rouge mais creusée sur toute sa hauteur en forme de goulotte verticale de 15 mètres de diamètre, là-bas une falaise massive, rouge également, tellement sculptée par les érosions qu’elle est baptisé “la cathédrale”.

Durant six heures, les Piche évoluent dans ces sites extra-terrestres en compagnie de chercheurs qui leur font réviser leurs cours de géologie de la sixième à la terminale. D’excellents pédagogues dont Rose rêve qu’ils enseignent un jour à tous les enfants de la terre en ces mêmes lieux tant ils donnent envie de comprendre et de décrypter ce qui s’offre au regard.

Plusieurs centaines de kilomètres plus au nord, à la limite de la frontière Bolivienne, les Piche ont à nouveau rendez-vous avec la géologie et aussi avec l’histoire. Pendant quatre jours ils parcourent en voiture 1000 km dans les vallées Calchaquies au sud de Salta et dans la Quebrada de Humahuaca au nord de la même ville (autre patrimoine mondial de l’humanité).

Dans ces lieux, la nature élargit sa palette de couleurs, fini le rouge martien uniforme, les plis rocheux alternent les teintes jaunes, rouges, vertes, violettes, roses, blanches avec des nuances qui varient en fonction de la position du soleil !!

Sidérant.

Lorsque le ciel est  nuageux, ces changements s’effectuent de minute en minute au rythme des percées et des occultations du soleil. Encore un spectacle de la nature difficile à emprisonner dans un boîtier photographique tant il est grandiose et changeant. Ce qui n’empêche pas Raoul d’essayer, en multipliant les vues panoramiques.

Historiquement ces régions sont l’équivalent indien du village d’Asterix. Elles ont toujours résisté à l’envahisseur.

Les Espagnols qui ont exterminé tous les occupants du cône sud, ne sont jamais parvenus à soumettre vraiment les Calchaquies et les Quechuas lesquels forment aujourd’hui l’essentiel des habitants des villages de ces vallées. Ici, on vend des jeux d’échec dont les pièces représentent d’un côté l’armée espagnole, avec le roi d’Espagne et de l’autre les tribus indienne avec comme chevaux des guanacos (lamas)…

Les maisons sont en briques de torchis séchées au soleil avec des colonnades et des arcades façon coloniale. Rose et Raoul font des haltes dans ces villages d’un calme inhabituel pour eux. A Molinos quelques enfants font du vélo dans le jardin de la place centrale, ailleurs personne, une jeune fille passe, un long moment plus tard une automobile longe lentement le jardin, presque sans bruit, ensuite rien, aucun mouvement, les Piche entendent les oiseaux, les enfants, l’eau qui s’écoule d’une fuite du réservoir central, ploc, ploc, ploc.

Il est 18 heures assis sous un grand arbre les Piche contemplent cette immobilité et écoutent ce quasi silence puis ils partent d’un éclat de rire bruyant qui trouble la tranquillité du lieu.

Ils viennent de réaliser, ensemble, dans cet instant étrange, qu’ils ne supporteraient pas longtemps une telle sérénité.

Ils trouvent à se loger chez une habitante.

Au réveil personne.

La porte de la maison n’est pas fermée. Un mot sur la table de la salle a manger s’adresse à Rose “Madame, je travaille à l’hôpital, demandez Maria” sous entendu pour payer la nuit. A Molinos le degré de confiance est de 100% et la délinquance égale à zéro.

Pour parvenir à Molinos, les Piche ont roulé sept heures sur une superbe piste étroite et ont franchi un col à 3300 mètres d’altitude.

A son sommet ils contemplaient la vallée lorsque soudain… le condor passa.

Evoluant en contrebas, il vole uniquement en planant, il gagne de l’altitude, passe au dessus des têtes de Rose et de Raoul puis s’éloigne toujours sans un battement d’aile, majestueux, tournant la tête de droite et de gauche pour localiser le repas de midi. La force aérienne tranquille.

Sur la piste des “zorros” (renards gris) aux épaisses queues soyeuses traversent devant la voiture remémorant à Rose le magnifique manteau du même métal qu’elle n’a pas acheté à Calafate en Patagonie.

Revenu à Salta les Piche s’offrent une journée de flânerie dans cette ville si plaisante avec son architecture coloniale, ses terrasses de cafés, ses places ombragées, ses rues piétonnes et ses restaurants riches en spécialités locales.

Au marché, Rose se dirige vers un étal de légumes et se saisit d’une carotte :

- Combien, la carotte ?
- Une seule ?
- Oui, c’est pour humidifier mon tabac
- Oh! alors si c’est pour vous humidifier le tabac, je vous l’offre lui lance le vendeur avec un large sourire.

Rose fait deux pas puis explose de rire lorsqu’elle réalise…

L’obésité, un marqueur social

13 mars 2005

Salta, 13 mars 2005

“Je reviendrai en politique et je me représenterai à l’élection présidentielle, a déclaré Lionel Jospin”.

Ce scoop, les Piche ont été le dénicher à Valparaiso où Lionel Jospin les a précédés de neuf mois. Il aurait tenu ces propos lors d’une discussion privée avec le propriétaire d’un restaurant français, “Le Filou de Montpellier” qui s’est empressé de les rapporter à Rose et Raoul.

Des photos attestent du passage de “Lionel” dans le restaurant…

Pour les Piche “Le Filou de Montpellier” boucle la boucle car après avoir traversé la Bavière à Puerto Montt au Chili, la Suisse à Bariloche en Argentine, le Languedoc à Mendoza voilà qu’ils se retrouvent dans un restaurant tenu par un Français de Mauguio, leur lieu de résidence !

Au hasard des rencontres, le voyage leur a encore réservé une bonne surprise celle de Jean-Guy et Jean-Yvon. Ex-prof et ex-directeur a l’Université de Montréal, les deux Jean ont décidé avant 55 ans qu’ils avaient suffisamment travaillé et qu’il était temps de voir du pays.

Une intime conviction renforcée par une étude canadienne montrant que les caisses de retraite payent en moyenne durant 5 ans ceux qui cessent leur activité à 65 ans, 12 ans ceux qui s’arrêtent à 60 ans et… 25 ans ceux qui le font à 55 ans.

Jean-Guy et Jean-Yvon souhaitent coûter le plus cher possible à leur caisse de retraite. Et comme les voyages forment la jeunesse, ils voyagent un maximum en traquant les croisières “discount” sur Internet. Leurs dernières en date : Valparaiso Buenos-Aires, trois semaines pour 2800 dollars américains et Gênes Bangkok via le Vietnam  (www.vacationstogo.com).

Ils rajeunissent à vue d’oeil .

Avec les deux Jean, les Piche ont visité les caves viticoles autour de Mendoza. Dans l’une d’elles, la bodega Weinert, les Jean ont rencontré des compatriotes venus en Argentine acheter un vignoble. Des professionnels bien informés. Ils indiquent aux Jean que le soit disant propriétaire Brésilien de cette exploitation est en réalité un nazi bon teint débarqué dans les années quarante avec une montagne d’argent.

A la dégustation, les Piche ont trouvé au vin Weinert un arrière goût amer…

Au détour de discussions aussi variées que joyeuses, les Jean, voyant Rose rouler ses cigarettes, apprennent aux Piche qu’au Canada le fait de fumer est un signe d’appartenance “aux classes les moins instruites de la société”. Une remarque qui trouve un écho chez les Piche, sans pour autant freiner l’ardeur tabagique de Rose.

En effet, en cours de voyage ils ont eux-même noté quelques signes d’appartenances sociales. Ainsi, l’obésité, très commune au Chili, concerne les familles les plus pauvres au point que des campagnes nationales de santé publique tentent de redresser la situation. A Santiago du Chili, il suffit de passer des quartiers populaires aux zones résidentielles pour en avoir l’étonnante démonstration.

Ce qui amène la remarque suivante de Raoul :

- Autrefois, les riches, bien nourris étaient gros, les pauvres maigres. Grâce à Coca Cola, aux hamburgers et aux crèmes glacées les pauvres sont toujours aussi pauvres mais ils ressemblent aux riches d’avant.

Le téléphone cellulaire est en passe de devenir un autre marqueur social : moins les gens paraissent avoir de moyens plus ils exhibent cet outil tout comme le faisaient les premiers à pouvoir s’en payer un lors de son apparition.

Pour sa part Rose observe que le nombre d’enfants frappés de maladies génétiques (mongolisme, malformations lourdes…) paraît bien plus élevé qu’en France.

- Je me demande si l’interdiction de l’avortement n’en est pas la cause, s’interroge-t-elle, scandalisée.

En Argentine, le débat sur l’avortement est d’actualité. En réponse à un ministre affirmant que le pays devait évoluer sur ce sujet, l’évêque de Buenos Aires a déclaré que “ceux qui s’en prennent aux enfants méritent qu’on leur attache une pierre autour du cou et qu’on les jette à la mer”.

Exactement ce qui a été fait du temps de la dictature avec les opposants, jetés par milliers dans le Rio de la Plata depuis des avions, comme le rappelle “Clarin” le quotidien national. Autant dire que les propos de l’évêque ont provoqué un scandale qui a fait la “une” durant plusieurs jours.

Jusqu’au scandale suivant.

Celui de la compagnie aérienne “Southern Winds”, financée par l’Etat, dont on vient de découvrir qu’elle transportait de la drogue vers l’Espagne depuis trois ans avec la complicité des autorités de l’aéroport de Buenos Aires !

A Salta, où les Piche se trouvent, ce sont les professeurs en grève qui manifestent, trouvant qu’un salaire de 130 euros par mois, inférieur à celui d’un gardien de nuit, c’est tout de même un peu juste.

Les Piche ne sont donc pas étonnés que dans les cafés les discussions politiques aillent bon train et que partout les gens lisent les journaux.

Pourtant, aucun n’a publié le scoop “Jospin”. Il a fallu que Rose et Raoul Rouletabille passent par là.

Contrariétés et agacements en voyage

5 mars 2005

Valparaiso, 2 mars 2005

Pour les Piche le voyage ce sont les rencontres, les découvertes, les imprévus mais aussi les petites contrariétés, les agacements.

Parmi eux :

- les réveils à 5h et demi du matin pour prendre le bus de 7h.

- Les voisins de chambre qui se lèvent à 5h et demi du matin pour prendre le bus de 7h le jour où les Piche ne le prennent pas.

- Les bébés qui pleurent et sont juste sur le siège de devant ou juste sur celui de derrière, alors que le voyage doit durer 11 heures (heureusement les bébés pleurent rarement 11 heures).

- Les bus complets qui obligent à passer deux jours dans un bourg sans intérêt.

- Les interpellations directes en anglais (Raoul dans son castillan le plus pur (!!), “pourquoi me parlez vous en anglais, je n’ai pas dit un mot !”  et, horreur, s’entendre répondre “parce que vous avez l’air américain” !)

- Les fausses informations qui conduisent les Piche à pédaler 15 km sur du gravier avec des vélos de 50 kg sans dérailleur, contre un vent fort et à franchir deux fois la frontière Argentine-Chili pour découvrir que le bureau qu’on leur a indiqué pour prendre leurs billets de bateau est fermé… et qu’il suffit de se présenter à l’embarquement le jour du départ.

- Le catamaran d’Aisen à Chiloé en panne pour une semaine. précisément la semaine où les Piche devaient le prendre (ce n’est pas le même qu’au paragraphe précédent, les Piche prennent beaucoup le bateau… Enfin lorsque les bateaux veulent bien des Piche)

- La panne du ferry qui devait remplacer le catamaran en panne (pour le savoir les Piche ont dû parcourir 400 Km de piste en 13 heures puis attendre deux jours le remplaçant du remplaçant du catamaran. Pas marrant.)

- Les viandes grillées argentines. Excellentes la première semaine, savoureuses la seconde, délicieuses la troisième, succulentes la quatrième brusquement inappétissantes la cinquième. Vive les lasagnes !!

- Les pays sans réelle tradition culinaire. “Autrement dit tous, sauf ceux d’Asie et d’Europe, précise Raoul” qui inclut froidement leMaghreb, le Liban et le Mexique dans l’Europe.

- Les pays colonisés par le Nescafé en poudre alors qu’ils sont producteurs ou voisins de pays producteurs de café.

- Les chiens errants qui aboient la nuit

- Les chiens des propriétaires des auberges où logent les Piche. Un chien finit toujours par aboyer. De préférence en pleine nuit.

- Les coqs qui se prennent pour Caruso avant le lever du soleil.

- Les chauffards. Autrement dit, pratiquement tous les conducteurs d’Amérique latine, à l’exception notable, pour les Piche, des chauffeurs de bus longue distance en Argentine, au Chili, au Brésil et au Mexique.

- La télévision et la musique dans les restaurants, les cafés et les autobus (au Chili une loi affichée partout précise que si un seul passager s’oppose à la diffusion de musique celle-ci doit cesser).

- L’affichage ostensible des croyances religieuses dans les bus, les taxis, les auberges, les restaurants… Les personnes qui s’en remettent à Dieu pour accomplir leur métier inquiètent les Piche. Ils préfèrent celles qui comptent sur leur professionnalisme (les petites croix le long des routes sur les lieux des accidents montrent d’ailleurs que la première méthode manque d’efficacité…)

- Les WC qui ne ferment pas. En Argentine le bas des portes des wc publics est noirci par les semelles de ceux qui tentent de s’opposer aux intrus.

-  Les cybercafés qui mettent dix minutes pour ne pas parvenir à afficher un e-mail

- Le soleil lorsqu’il brûle la peau (au sud du Chili la couche d’ozone est devenue si mince que des indicateurs d’indice UV, lorsqu’ils sont au rouge, informent les passants qu’ils vont griller en dix minutes).

Heureusement tous ces agacements ne sont que des agacements.

Ils seraient vite oubliés si Raoul n’en gardait une trace sur son petit carnet. Ils ne pèsent guère au regard des plaisirs du voyage.

D’autant moins en Argentine ou tout s’efface devant la gentillesse et les sourires des Argentins (”et s’ils ne sont pas sympas c’est que ce sont des Chiliens” ajoute méchamment Rose).

“Ne te prive pas d’être heureux”, Pablo Neruda

4 mars 2005

Valparaiso, 4 mars 2005

A Valparaiso, les Piche ont rendu visite à Pablo Neruda.

“La Sebastiana”, sa maison, offre depuis le bureau, le salon et le lit (!!) une vue panoramique sur la ville, sa baie et les navires au mouillage.

Une demeure de rêve pour amoureux de la mer et des voyages.

Claire (merci Claire !) a adressé aux Piche un poème de Pablo Neruda qui leur parle tellement que, depuis Valparaiso, ils souhaitent aujourd’hui le partager avec tous.

Le voici en français et en espagnol :

Il meurt lentement
celui qui ne voyage pas,
celui qui ne lit pas,
celui qui n’écoute pas de musique,
celui qui ne sait pas trouver
grâce à ses yeux.
Il meurt lentement
celui qui détruit son amour-propre,
celui qui ne se laisse jamais aider.
Il meurt lentement
celui qui devient esclave de l’habitude
refaisant tous les jours les mêmes chemins,
celui qui ne change jamais de repère,
Ne se risque jamais à changer la couleur
de ses vêtements
Ou qui ne parle jamais à un inconnu
Il meurt lentement
celui qui évite la passion
et son tourbillon d’émotions
celles qui redonnent la lumière dans les yeux
et réparent les coeurs blessés
Il meurt lentement
celui qui ne change pas de cap
lorsqu’il est malheureux
au travail ou en amour,
celui qui ne prend pas de risques
pour réaliser ses rêves,
celui qui, pas une seule fois dans sa vie,
n’a fui les conseils sensés.
Vis maintenant!
Risque-toi aujourd’hui!
Agis tout de suite!
Ne te laisse pas mourir lentement!
Ne te prive pas d’être heureux!

Pablo Neruda

Muere lentamente quien no viaja, quien no lee,
quien no oye música,
quien no encuentra gracia en sí mismo.
Muere lentamente
quien destruye su amor própio,
quien no se deja ayudar.
Muere lentamente
quien se transforma en esclavo del hábito
repitiendo todos los días los mismos trayectos,
quien no cambia de marca,
no se atreve a cambiar el color de su  vestimenta
o bien no conversa con quien no conoce.
Muere lentamente
quien evita una pasión y su remolino de emociones,
justamente éstas que regresan el brillo a los ojos
y  restauran los corazones destrozados.
Muere lentamente
quien no gira el volante cuando está infeliz con su trabajo, o su amor,
quien no arriesga lo cierto ni lo incierto para ir atrás de un sueño
quien no se permite, ni siquiera una vez en su vida,
huir de los consejos sensatos…
¡ Vive hoy !
¡ Arriesga hoy !
¡ Hazlo hoy !

¡ No te dejes morir lentamente !

¡ No te impidas ser feliz !

La route n°7 transperce la cordillère dans un paysage minéral surchargé de camions

25 février 2005

Mendoza, 25 février 2005

Au début les Piche ne sont pas dépaysés : des vignobles à droite, des vignobles à gauche, la route nº7 qui relie l’Argentine au Chili en franchissant la cordillère des Andes par un col à 3300 m d’altitude a des allures de RN 113 traversant le Languedoc.

Les vignes sont simplement plus soignées, mieux organisées avec des ceps qui montent haut pour faciliter la cueillette. Elles produisent d’excellents vins que Rose et Raoul ont dégusté dans plusieurs caves et au restaurant.

Après les vignes, la route nº7 traverse les pré-Andes en suivant un torrent chocolat qui s’écoule puissamment et finit par remplir, tel un bol géant, le lac de barrage qui interrompt son cours.

Une vieille voie ferrée, parfois ensevelie sous les éboulis, parfois suspendue dans le vide lorsque le sol se dérobe sous elle, chemine de conserve avec la route et le torrent. Tous les trois progressent lentement vers le col dans ce qui fut une vallée glacière.

Finie la végétation, la route nº7 entre dans le règne du minéral. Les collines environnantes prennent progressivement de l’altitude et virent au rouge, au jaune, au gris, au noir, au vert. Les parois rocheuses tantôt lisses, tantôt sculptées par l’érosion s’affaissent à leurs bases en éboulis grandioses.

A 2700 m une station de ski  avec ses télésièges et cinq ou six hôtels aux toits étrangement vert pomme dans un paysage de rochers et de cailloux. Les Piche empruntent un de ces télésièges en songeant qu’au même instant, en Europe, d’autres font pareil, les skis aux pieds, dans le blanc de l’hiver.

A 2800 m, nouvelle halte au pont de l’Inca où des sources thermales d’eau pétrifiante ont réussi à jeter un pont de pierre au dessus du torrent chocolat avec la complicité du glacier millénaire (en s’écoulant sur la glace, l’eau pétrifiante a créé une couche de pierre qui s’est épaissie avec le temps. Lorsque le glacier a fondu, il a laissé le vide sous cette couche, faisant apparaître un pont).

Plus l’altitude s’élève, plus la voie ferrée manifeste de faiblesses, résultats des attaques de la neige, de la glace, des chutes de roches et des tremblements de terre. Pourtant, elle fut pendant longtemps le principal moyen de communication vers le Chili.

Aujourd’hui, ce rôle est tenu par la route nº7 par laquelle transite le trafic de marchandises venu du Brésil, du Paraguay, d’Uruguay et d’Argentine pour s’embarquer à Valparaiso vers l’Asie.

A l’approche du col, entre deux collines apparaît un massif enneigé, l’Aconcagua. Grosse déception de Rose et de Raoul, ” c’est donc ça l’Aconcagua, le seul 7000 m d’Amérique ?”. Il est vrai que son sommet formé par une crête horizontale n’offre pas la vision saisissante du Fitz Roy ou des pics de Torres del Paine pourtant bien moins hauts.

Parvenus au col à 3300 m, les Piche en veulent plus et prennent l’ancienne piste qui grimpe à 4000 m  en d’impressionnants lacets plongeant sur un vide effrayant qui ne laisserait aucune chance si par malheur…

Revenus sur la route nº7, les Piche franchissent la frontière avant de plonger vers la plaine chilienne par une nouvelle succession de lacets qui font perdre 1000 m d’altitude en rien de distance.

Dans la plaine le bus retrouve la chaleur, la végétation, les lignes droites.

Ce soir Rose et Raoul dormiront à Valparaiso.

La carretera austral, un must chaotique

20 février 2005

Bariloche, 20 février 2005

En traversant le lac Buenos Aires (pour les Argentins), Général Carrera (pour les Chiliens), les Piche n’ont pas seulement franchi la frontière de l’Argentine vers le Chili mais aussi celle de deux régions radicalement opposées par leur climat et leur végétation.

Après des centaines et des centaines de kilomètres de pampa si rase que les propriétaires ne placent même plus de cloture, Rose et Raoul sont parvenus à la capitale de la cerise où l’on cultive également des framboises et des fraises (hummm), c’est dire le changement !

Ils ont poursuivi leur route vers le nord du Chili en remontant la moitié de la “carretera austral”, une piste de 1000 km qui traverse d’impénétrables forêts d’alerces (arbres millénaires au bois imputrécible), enjambe torrents sur torrents, franchit fleuves après fleuves, longe une multitude de lacs, s’approche de quelques glaciers, monte, descend, tourne, se retrécit avant de s’élargir à nouveau.

Commencée il y a vingt ans, la carretera austral n’est pas terminée.

On y croise de nombreuses équipes de travaux publics qui progressent avec difficulté dans ce milieu hostile. Dur, dur pour le dos des Piche car les petits bus qui, seuls, peuvent emprunter cette piste sont aussi fatiguants que leurs amortisseurs sont fatigués. Mais quel spectacle ! Quelles vues au détour de chaque virage !

Treize heures de chaos, treize heures de pur bonheur pour les yeux.

Courte traversée sur le Pacifique pour atteindre Chiloé, une île dure à vivre mais douce pour les Piche qui n’ont reçu qu’un peu de pluie sous un ciel presque toujours couvert alors qu’ici qu’il tombe 4 mètres d’eau par an !

Le vent, la pluie, le froid, les tempêtes ont fait des Chilotes des habitants endurcis. Les légendes et les traditions y sont vivaces.

Patrie de la pomme de terre, présente dans tous les plats, Chiloé produit également les centaines de milliers de tonnes de saumons exportés par le Chili. Véritable catastrophe écologique pour les innombrables baies fermées où sont établies les fermes d’élevage, l’industrie du saumon a également provoqué des bouleversements socio-économiques, les paysans et les pêcheurs délaissant leurs activités au profit des usines de traitement du saumon.

Rose et Raoul Piche ont eu la chance durant quatre jours d’être guidés dans leur découverte de Chiloé par Eugénia qui y est né et y a passé son enfance avant de devoir émigrer vers Paris à cause d’un général assassin.

Eugénia leur a raconté les arbres du Tepual (la forêt inextricable du parc national de Chiloé), les bateaux, la pêche, les légendes (ah! celle du Trauco qui engrosse les femmes de marins pendant leur absence assurant ainsi la paix des ménages car bien sûr le Trauco existe, alors que le voisin…), elle leur a fait goûter des baies et des plats locaux dont le “curanto” le plat chilote par excellence (une recette qui mélange allégrement, fruits de mer, pomme de terre, saucisse et porc), les “chorros zapatos” (énormes moules), elle leur a détaillé les maisons de bois aux façades colorées en tuiles d’alerces, les églises toutes de bois également, les maisons sur pilotis (”palafitos”) et Francisco Coloanne conteur de la Terre de feu dont Raoul s’échine à décripter les récits en castillan dans le texte.

Bref, Eugénia leur a fait revivre le Chiloé d’hier et découvrir avec quelque amertume celui d’aujourd’hui.

Un peu de bus, un peu de bateau vers le nord et les Piche se sont retrouvés… en Bavière.

Finies les forêts impénétrables. La région des lacs au dessus de Puerto Montt (Chili) colonisée par les Allemands au début du siècle est toute d’ordre, de propreté, de vertes prairies, de lacs, de vaches grasses, de caractères gothiques et de club “alemana” (avec en prime un superbe volcan au sommet enneigé).

Un peu de bus vers l’est et les Piche arrivent… en Suisse à Bariloche (Argentine).

Une ville créée par des colons suisses oû l’on trouve les meilleurs chocolats d’Amérique dans de spendides boutiques, des chalets de bois et de luxueuses villas perdues dans la verdure au bord du splendide lac Nahuel Huapi. Seules manquent les banques, les vraies, les suisses pur secret bancaire. Mais c’est bien dans leurs coffres que repose l’argent des riches propriétaires de Bariloche. Tout est en ordre !

Bientôt, les Piche monteront vers la route des vins pour déguster cabernet, malbec et autres cépages des vignobles français.

Très dépaysante l’Europe d’Amérique du sud sous le soleil de l’été austral…

Jugements à l’emporte pièce sur les argentins et les chiliens

14 février 2005

Castro, île de Chiloé, 14 février 2005

Les Piche sont en Argentine à cause des Argentins.

Ceux qu’ils ont rencontrés en France et lors de précédents voyages étaient ouverts, curieux, souriants, attentifs et parlaient si bien de leur pays que Rose et Raoul ont eu envie de les rencontrer sur place.

Après plus d’un mois en Argentine, les Piche perçoivent les Argentins comme il les imaginaient. Les rapports avec eux sont faciles. Ils sont indulgents avec les étrangers qui parlent mal leur langue, ils n’hésitent pas à les aider et les commerçants ne cherchent pas à toute force à leur vendre leur marchandise. Bien au contraire.

Rose qui fait sienne le précepte selon lequel “il faut se méfier de sa première impression car elle est souvent la bonne” a rapidement porté un avis différent sur les Chiliens. “Ils sont moins aimables, moins souriants, assez indifférents et ne cherchent guère à rendre service”. Et toc !

Mais il y a beaucoup plus grave aux yeux de Rose : “les Chiliens ne proposent que du Nescafé en poudre! Alors qu’en Argentine on boit de véritables expresso à l’italienne”. Et d’ajouter que leur castillan est difficile à comprendre et le pays cher.

Raoul a beau souligner qu’une incursion au Chili  ne suffit sans doute pas à condamner tout un peuple, rien n’y fait.

Après, un passage en Argentine, Rose, de retour au Chili, persiste et signe.

A Chaiten, une rencontre avec une Québécoise (anti Bush, anti papiste comme tous les Québécois rencontrés par les Piche) connaissant parfaitement les deux pays scelle définitivement le sort des Chiliens car elle partage entièrement l’avis de Rose.

Le chauffeur de bus chilien qui durant 13 heures a commenté le paysage exceptionnel de la piste australe avec tant de gentillesse et de joie de vivre devait avoir du sang argentin, de même que Magali à Castro, si accueillante et si prévenante, sans parler d’Eugénia qui a servi de guide aux Piche pendant quatre jours sur l’île de Chiloé.

Ou alors c’est à croire que toute généralité porte en elle sa part de contre vérité.

Est-ce possible?

Pelle et pioche sont nécessaires pour préparer un bon Curanto

13 février 2005

Chonchi, île de Chiloé 13 février 2005

- Prendre une pelle, une pioche et un terrain herbeux plat
- Creuser un trou évasé d’un mètre cinquante de diamètre et de cinquante centimètres de profondeur
- Tapisser le trou de galets ronds
- Disposer sur les galets suffisamment de bois pour obtenir un épais lit de braises
- Faire un feu d’enfer
- Retirer les braises lorsque les pierres sont brûlantes
- Verser 30 Kg de grosses moules sur les pierres et placer dessus du porc fumé, des saucisses, des pommes de terre
- Couvrir le tout de feuilles de nalcas (à défaut n’importe quelle feuille d’un mètre dix de long et de quatre vingt centimètres de large ayant de la saveur conviendra)
- Déposer sur les feuilles de nalcas (ou équivalent) les galettes de milcao que vous aurez préparées à l’avance (pommes de terre crues, râpées, pressées, mélangées avec des pommes de terres cuites, de la graisse de porc et des fritons)
- Couvrir le tout de feuilles de nalcas (ou équivalent)
- Disposer une seconde couche de galettes de milcao
- Couvrir le tout de feuilles de nalcas (ou équivalent)
- Couvrir ces feuilles avec les plaques d’herbes et de terre qui ont été enlevées lors de la création du trou afin de bien étouffer l’ensemble
- Laisser mijoter une heure et demie
Enlevez les différentes couches et servez pêle-mêle dans chaque assiette moules, porc fumé, saucisses, milcao, pommes de terre aux nombreux amis venus déguster sur le gazon de votre jardin un excellent “curanto”, le plat emblématique de l’île de Chiloé.
Un recette toute simple dont les Piche ont suivi l’exécution du début à la fin lors de la fête villageoise de Chonchi. Ils ont partagé ce curanto avec une centaine de convives et ont beaucoup aimé.

Une dent de granite aussi superbe que mortelle

1 février 2005

El Chalten, 1 février 2005

Rose et Raoul Piche ont payé le prix mais ils l’ont vu.

Le prix : huit heures de marche dont deux sur une très forte pente.

La vue : le Fitz Roy, une canine de granit de 3400 m de haut, entourée d’autres pointes acérées à peine moins élevées.

A leurs pieds, des glaciers qui viennent mourir dans des lacs tantôt bleus comme la Méditerranée tantôt verts comme des lagons. Au bord de ces lacs, de la rocaille, sur elle, alanguis au soleil, admiratifs, les Piche.

On imagine volontiers ce paysage dans les Alpes, à haute altitude ou dans l’Himalaya plus haut encore. La singularité des Andes australes est d’offrir ces splendeurs à seulement 1200 mètres d’altitude, accessibles aux simples randonneurs. Les glaciers que les Piche contemplent sont des terminaisons de l’immense glacier de Patagonie long de 400 Km installé à 1500 m seulement au dessus du niveau de la mer.

Chanceux, Rose et Raoul bénéficient d’une météo rarissime, peu de nuages (tous les sommets sont dégagés) et surtout peu de vent.

Le vent ! Sans lui, la Patagonie ne serait pas la Patagonie. Il y est soit fort, soit très fort, soit violent, jamais léger, jamais inexistant. Il sculpte les rares arbres, surnommés “banderas” (drapeaux) parce que leur ramure est repoussée par le vent d’un seul côté du tronc.

Haut lieu des randonneurs venus de tous les continents, El Chalten, petit village au pied du Fitz Roy est aussi le rendez-vous des meilleurs Andinistes de la planète (ici, le mot Alpiniste n’existe pas). Le défi n’est pas l’altitude du Fitz Roy, mais sa paroi lisse, verticale et glacée de 2000 m qu’il faut vaincre pour atteindre le sommet, en s’arrêtant lorsque le vent devient violent. On dort alors suspendu dans le vide … en attendant que ça passe. Nombreux sont ceux qui ont laissé leur vie à cette aventure.

Créée il y a 18 ans, El Chalten conserve une allure de ville de pionniers avec ses rues caillouteuses, poussiéreuses le long desquelles les maisons espacées semblent attendre les nouveaux venus.

Pas de cimetière. Aucun habitant n’étant encore décédé, personne n’en a vu la nécessité.

Les vaincus de la montagne sont rapatriés chez eux. Une chapelle du souvenir a été dressée pour eux dans l’axe des massifs et les sommets portent leurs noms ou ceux d’autres aventuriers des Andes : Saint Exupery, Mermoz, Guillaumet, Poincenot, Egger, etc.

Les Piche ne sont pas jaloux. Ils font l’objet de la plus grande sollicitude de la part des rangers du parc Los Glaciares. Tout au long des pistes sont installés des panneaux où est écrit “Piche observe y conserve !” (Piche observez les, préservez les !).

C’est gentil.

En revanche, Rose et Raoul ne comprennent pas pourquoi ce touchant appel s’accompagne du dessin d’un tatou, une espèce d’animal préhistorique en voie de disparition, assez hideux.

C’est moins gentil. Les Piche sont bien plus beaux que ça.

Un glacier qui claque, craque, crie et crépite

30 janvier 2005

El Calafate, 30 janvier 2005

La falaise de glace bleutée se dresse, verticale, à 60 mètres au dessus de la surface du lac sur un front de cinq kilomètres.

Du jamais vu pour les Piche, sidérés.

Soudain, des claquements secs, comme si des chasseurs traquaient du gibier dans les gigantesques indentations de cette mer figée qui s’étend sur 30 km. Puis, des bruits sourds mais puissants comme lorsqu’un wagon en heurte un autre dans une gare de triage. Le silence, durant deux minutes, rompu par un grondement de tonnerre qui roule à n’en plus finir.

“Oh! là, regarde, ça s’écroule “.

Raoul n’a pas le temps de finir sa phrase qu’un pan entier de glace s’effondre dans un fracas qui déchire l’air.

Les vagues formées par les tonnes de glace qui plongent dans le lac sont elles mêmes sonores et ne s’apaisent qu’après plusieurs minutes.  Le glacier Perito Moreno sur le lac Argentino, en Patagonie, est vivant et bien vivant.

Le spectacle est total : la vue, l’ouïe et le toucher sont sollicités (le vent glacé porte lui aussi l’empreinte du glacier).

S’il claque, craque, crie et crépite c’est que le Perito Moreno subit d’énormes pressions. En avançant de 2 mètres par an, il bloque une rivière qui pousse, pousse, pousse et finit par briser l’obstacle.

En mars 2004 des dizaines de milliers de tonnes de glace se sont effondrés d’un seul coup dans un invraisemblable fracas devant des centaines de personnes.

Dans les jours qui précédaient la visite du glacier, les Piche se délectaient d’un autre panorama grandiose, celui du parc national Torres del Paine en Patagonie Chilienne.

Là, les falaises de glace sont remplacées par des aiguilles de granite aux bords acérés qui se projettent à plus de 2500 mètres de haut et par des montagnes enneigées couvertes de glaciers. Comme si cela ne suffisait pas, la nature a placé au pied de ces massifs des lacs couleur de jade, une végétation presque verdoyante et au dessus des têtes un ciel tourmenté où le bleu azur le dispute au blanc pur des nuages qui défilent.

Six heures de marche dans ce décor n’ont pas suffi à rassasier les Piche. Raoul  prenait dix fois le même cliché persuadé n’avoir jamais eu “cette lumière là”, “cet angle de vue” espérant vainement mettre en boîte toute ces beautés.

En se dirigeant vers l’autobus de retour, Rose se prit à philosopher:

-Jamais le plus créatif des artistes ne pourra réaliser une oeuvre aussi grandiose, aussi complexe dans ses formes que subtile dans ses nuances.

- Un homme sans doute, lâche Raoul, mais un être supérieur…

- Va te faire voir avec ton être supérieur.

Fin de la minute de philosophie.

Ushuaïa terre d’aventure ? Hummmm…

22 janvier 2005

Usahuaïa, 22 janvier 2005

Par 54º52′ de latitude sud et 68º de longitude ouest, à moins de 60 miles du cap Horn, en plein cinquantièmes rugissants, le “Barracuda” fait route au 260º.

A sa barre, Raoul Piche.

Le vent est contraire, les hauts fonds nombreux. Malgré tout, la destination finale, Ushuaia dans le canal de Beagle, devrait être atteinte en fin de journée.

Autour du navire le paysage est imposant: montagnes, glaciers, arbres couchés par le vent, îlots peuplés de lions de mer, de cormorans royaux, de mouettes. L’aventure du grand sud.

Lisant ces lignes Rose s’écrie,

- C’est fou comme sans mentir, on parvient néanmoins à suggérer une réalité autre que la réalité.

Une relation plus conforme serait la suivante, précise Rose.

A la barre du “Barracuda”, un promène couillon qui emmène les touristes pour des ballades de la journée sur le canal de Beagle, Raoul prend la pose le temps d’une photo. Très vite, le capitaine qui lui a gentiment cédé sa place pour ce cliché souvenir, reprend les commandes. Parti de Ushuaia à 15h, le bateau sera de retour à 18h précise comme chaque jour. Avec ses deux puissants moteurs, le vent contraire ne lui pose aucun problème, ni les hauts fonds que le capitaine connaît par coeur.”

- Que tout ça manque de poésie et de parfum d’aventure! déplore Raoul

Ushuaia, la ville la plus australe du monde, n’est-elle pas synonyme d’aventure ?

Elle ne l’est plus guère. Hormis pour les quelques navigateurs qui s’en servent de base pour gagner l’Antarctique.

La visite du musée maritime en apprend beaucoup sur les marins qui ont navigué dans ces eaux pour les reconnaître et les cartographier. Mais la terre est si inhospitalière qu’aucun n’a cherché a débarquer pour y établir de “colonies”.

Tout au plus l’Argentine a-t-elle eu, tardivement, l’idée d’y implanter un bagne et les missionnaires de convertir les rares indigènes. Enfermer les corps et les esprits semble pendant longtemps  avoir été la seule vocation de ces territoires difficiles.

La carte des naufrages, éloquente, ne dit cependant pas tout. Bon nombre des fortunes de mer  ne doivent rien aux tempêtes.

Ainsi le clipper “Duchess of Albany” a été drossé à la côte… par absence de vent dans un lieu ou le courant atteint 8 noeuds !

Le “Monte Cervantes”, un vapeur avec 1200 passagers (tous sauvés) a coulé en heurtant un écueil à moins de cinq miles du quai d’Ushuaia par beau temps.

Mais surtout, lorsqu’il est devenu évident que la vapeur allait l’emporter sur la voile, les armateurs ont “organisé” des naufrages à tour de bras pour toucher les primes d’assurance et remplacer leur navires. Qui aurait osé contester un naufrage en Terre de feu ?

De retour d’une randonnée dans le parc national de Terre de feu, envahie par les castors qui édifient d’impressionnants barrages de plusieurs dizaines de mètres de long sur deux de haut (comment font-ils?) et d’innombrables lapins absolument pas apeurés, Raoul entend Rose s’exclamer :

- Je veux un sous-marin. Tu fais ce que tu veux, mais moi je prends un sous-marin.

Raoul regarde Rose d’un air angoissé, “aïe, elle ne supporte pas l’air des glaciers”.

Voyant son inquiétude, Rose précise :

- Un sous-marin, ici, c’est un chocolat chaud. On te sert du lait et séparément une barre de chocolat en forme de sous-marin que l’on fait fondre dans le lait.

Pour les Piche, l’aventure marine à Ushuaia se limite pour l’essentiel à mettre en immersion un sous-marin en chocolat dans un verre de lait…

Quelle pitiée !

Une ligne droite de 3000 km, bordée de fil de fer

20 janvier 2005

Ushuaïa, 20 janvier 2005

La pampa, la Patagonie, les Piche en avaient  une idée. Mais comme souvent la réalité n’a pas la même saveur.

Sinon, pourquoi voyager?

Très vite après avoir quitté les faubourgs de Buenos Aires le paysage s’installe.

Une route rectiligne sans aucun relief à l’horizon pour fixer la vue, des champs apparemment sans limites et, de temps à autres, des vaches ou des moutons. De rares bourgs et presque aucune ville. Sur 3000 km les seuls changements viennent de la végétation.

Les cultures disparaissent assez rapidement pour laisser place à des buissons épars et à une herbe rase. Plus de vaches. Seuls subsistent ici et là quelques moutons, des guanacos (lamas), des chevaux, parfois des choiques (autruches) mais tous en nombre réduit.

A une cinquantaine de mètres, de chaque côté de la route rectiligne, une clôture; 3000 km à droite, 3000 km à gauche, sur cinq rangs… 30000 km de fil de fer!

Les estancias (ranchs) ont des superficies gigantesques pouvant atteindre celle de la Belgique. Mais jamais aucun bâtiment n’est visible depuis la route. Tous sont au delà de l’horizon.

Plus le bus pénètre dans le sud de la Patagonie, plus les buissons perdent d’ampleur jusqu’à devenir des touffes maigrichonnes qui finissent par disparaître complètement pour ne laisser subsister qu’une herbe jaunie dont même les moutons ne paraissent pas se régaler.

Les bourgs ne sont qu’un lointain souvenir depuis longtemps et les rares villes sont distantes de centaines de kilomètres. Dire que la route est monotone relève de la litote.

Par bonheur, les autobus argentins sont modernes, rapides et confortables.

Les sièges se transforment presque en couchettes si bien que les Piche ont subi sans trop de peine les 20 heures de ligne droite de Buenos Aires à Puerto Madryn, puis les vingt autres heures de rectitude jusqu’à Rio Gallegos. Et, si de là, ils ont pris un avion jusqu’à Ushuaïa, ce n’est que parce qu’il leur aurait fallu attendre un bus durant trois jours, ce que ne mérite pas Rio Gallegos.

En atterrissant à Ushuaïa, oh! surprise, de l’eau, de la neige, des montagnes!

La terre de feu, si inhospitalière paraît moins désertique que la Patagonie infinie.

Une démarche grotesque mais si rigolotte !

15 janvier 2005

Puerto Madryn, 15 janvier 2005

L’Argentine est un pays de mammifères.

Il compte 66 millions de bovins, 38 millions d’humains, 34 millions d’ovins, deux Piche (un mâle et une femelle) et de nombreux mammifères marins.

La rencontre du couple Piche avec ces derniers a eu lieu à la péninsule de Valdès. Site classé au patrimoine mondial de l’humanité, la péninsule abrite les amours des lions de mer, des éléphants de mer, des baleines franches australes, des dauphins et héberge des colonies d’oiseaux aquatiques en queue de pie, les pingouins magellans.

Ebahie, la Piche femelle a suivi l’accouplement de lions de mer des préludes jusqu’à la cigarette finale. Quel spectacle !

Le lion de mer mâle, bien nommé, possède une véritable crinière semblable à celle d’un lion, un museau et une gueule qui vont avec. Ses rugissements, sa démarche faussement pataude et ses 300 kg de chair en rut ne donnent guère envie de s’en approcher. La lionne femelle, beaucoup plus fine, disparaît sous lui seule la tête dépassant. Sitôt son affaire faite, le mâle cherche des yeux sa prochaine conquête dans le troupeau alangui sur la berge sous les rayons du soleil.

Lorsque le lion ne traque pas la femelle, il se dresse en appui sur ses nageoires avant, la gueule dressée vers le ciel, raide et fier, tel la statue du commandeur. Dans ce pays, mâle se dit “macho”.

Quelques kilomètres plus loin, les lions de mer s’adonnent aux joies de l’élevage de leurs petits. La saison des amours, plus précoce, ayant déjà porté ses fruits. Outre qu’ils ne possèdent pas de crinière, les éléphants de mer se différencient des lions par leur  poids, dix fois supérieur, qui peut atteindre 3,5 tonnes. Y son pabo !!

Les baleines franches, elles, viennent à Valdès pour se reproduire par centaines de juin à décembre. Rose a donc été frustrée de cet accouplement là.

Une colonie de pingouins magellans forte d’un demi million d’unités se trouve 200 km au sud de la péninsule de Valdès. Les Piche ont été à leur rencontre en voiture avec un couple (mâle et femelle) de Suisses (une espèce prolifique parmi les mammifères voyageurs qui se reproduit dans un petit territoire au centre de l’Europe. Il s’agit d’une espèce très protégée).

A peine hauts de 50 cm, les pingouins magellans sont rigolos, comme tous les pingouins du monde.

Ici un papy qui avance le dos courbé, le regard vers le sol, semblant porter toute la misère du monde sur sa frêle encolure en se balançant de façon ridicule d’un patte sur l’autre; là une petite famille, papa et maman en tête, dodelinant de droite et de gauche suivis par quatre petits qui oscillent derrière eux à un rythme plus soutenu en accélérant le pas pour ne pas perdre leurs géniteurs.

Rose et Raoul Piche ont pu marcher au milieu de ces volatiles en s’approchant au plus près mais sans les toucher. Ils mordent facilement et durement. Ridicules piétons, peut être, mais on a sa fierté !

Une fois dans l’eau la métamorphose est saisissante, les pingouins se transforment en véritable fusée. Les Piche auraient alors bien du mal à les suivre dans leurs pérégrinations de plusieurs milliers de kilomètres vers le Brésil.

Pour les grandes distances, Rose et Raoul se contentent de mettre sac à dos et de marcher d’une allure de pingouins vers la gare routière la plus proche.

Grotesques.

Des staeks énooooooorrrmmmeees !

13 janvier 2005

Buenos Aires, 13 janvier 2005

Raoul porte un regard incrédule sur les deux énormes entrecôtes de 4 cm d’épaisseur qui débordent de son assiette. Il regarde celle de Rose : même contenu.

- Ils sont fous ces Argentins ! Avec la moitié d’une on serait rassasié. Impossible de manger tout ça.

Les Piche avaient beau être prévenus, cette débauche de viande leur procure un choc. Message reçu. Il suffit de commander un plat de viande (pour deux) et une salade (pour deux) si l’on veut se retrouver avec des portions normales.

Un soir de fatigue Rose et Raoul baissent la garde, commandent deux “milanese” et se retrouvent avec un demi mètre carré d’escalope chacun. Autant dire que l’Argentine est l’enfer des végétariens et le paradis des carnivores. Le summum pour les amateurs de chair fraîche étant la “parillada”, un assortiment excessif de viandes servies sur un grill individuel. Un truc à faire pousser des canines par nuit de pleine lune.

Chez le boucher les meilleures pièces de boeuf coûtent à peine 1,2 Euro.

Cette débauche alimentaire contraste avec les signes encore apparents de la crise économique.

En témoigne, le soir venu, les récupérateurs de cartons qui investissent le centre ville et fouillent méticuleusement les tas de déchets déposés sur les trottoirs; les innombrables pancartes “à vendre” sur les appartements, les bureaux, les magasins; les constructions inachevées d’immeubles et de routes; les tags stigmatisant les banquiers “voleurs” et le pouvoir corrompu; les dispositifs anti-émeutes prêts à servir autour du palais présidentiel etc.

Le long de certaines voies ferrées, les Piche ont aperçu des cabanes de bois et de tôle semblables à celles des faubourgs de Bombay et de Delhi. Moins nombreuses, certes, mais tout aussi misérables.

Pourtant, dans l’ensemble, même en traversant la banlieue, Buenos Aires offre l’image d’une richesse supérieure à celle du Mexique et des autres pays d’Amérique centrale. Les bus et les avions complets vers les destinations de vacances montrent que le pesos argentin, aussi faible soit-il par rapport au dollar n’empêche pas les Argentins de vivre et les touristes étrangers de très, très bien vivre.

A condition de raffoler des protéines animales.

Tango sexuel, tête à l’envers

11 janvier 2005

Buenos Aires, 11 janvier 2005

Le tango, l’été en hiver, la tête en bas, les viandes grillées, la crise économique, le plus Européen des pays d’Amérique tels sont les images communément liées à l’Argentine. En une petite semaine à Buneos Aires, Rose et Raoul Piche ont perçu, vu et découvert un peu tout cela.

Avec ses grandes avenues, ses beaux immeubles, ses parcs, ses innombrables terrasses de café-restaurant, ses dizaines de theâtres, ses luxueuses galeries marchandes Buenos Aires leur est apparue aussi européenne que Madrid, Milan ou Paris.

Moins peuplée que d’autres capitales d’Amérique latine, Buenos Aires est certainement la plus raffinée par son mode de vie et son esthétique. Amoureux du dépaysement passez votre chemin !

Le ciel d’un bleu immaculé et le thermomètre entre 28º et 33ºC ne laisse aucun doute aux Piche : en ce mois de janvier 2005 l’été est bien établi. Les porteños en vacances ayant déserté leur ville pour s’agglutiner sur les plages, Buenos Aires a des allures de Paris au mois d’août ce qui facilite les déplacements et ravit Rose et Raoul.

- Là, on va dans quelle direction ?
- Plein nord
- Mais non, plein sud. C’est midi et nous marchons vers le soleil !
- Regarde la boussole : plein nord !
- Y a un truc
Les Piche mettent un moment pour réaliser que, dans l’hémisphère sud, très normalement, le soleil monte dans le ciel au nord. Ils sont un peu retournés. Normal, n’ont-ils pas la tête à l’envers?

Le tango argentin est une découverte pour Rose et Raoul.

Rien à voir avec l’idée qu’ils avaient d’une danse au pas et aux passes toujours semblables. Spectaculaire au théâtre, le tango argentin est sensuel au café-concert pour devenir sexuel dans la rue. Il retrouve là ses origines du quartier des bordels de la Boca où l’inventèrent les immigrants italiens. Devenu “chic” à Paris au début du XXème siècle, il a finalement été adopté par la société argentine dans son ensemble et constamment enrichi jusqu’à d’époustouflantes chorégraphies.

Au café-concert, Rose, invitée par un danseur professionnel, s’est mise à tournoyer avec l’aisance d’une argentine de souche jusqu’à arracher les applaudissements de l’assistance.

Raoul en rougissait… de fierté.

Mais lorsque Rose a remis ça dans le quartier de la Boca, Raoul s’est demandé si, dans sa jeunesse, sa belle-mère n’avait pas esquissé quelques pas trop serrés avec un certain Carlos Gardel, un Toulousain devenu le dieu du tango pour les amateurs du monde entier . Des dizaines d’années après sa disparition, ses fans viennent placer une cigarette entre les doigts de sa statue au cimetière Chacarita de Buenos Aires. Raoul, lui, se contente de supporter celles de sa déesse de Rose.

Survivre dans un demi mètre carré

8 janvier 2005

Milan, 8 janvier 2005

- Regarde la fille dans la file d’à côté. Elle a le ventre nu entre son débardeur et son pantalon et le haut de son string qui dépasse.

- Eh alors! C’est la mode depuis un moment. Faut sortir Raoul !

- Oui mais elle tire sur ce débardeur comme une malheureuse pour se cacher. Pas si à l’aise avec la mode. Je la plains.

- Tu préfères sans doute celle de derrière. Voilée de la tête au pied. C’est aussi très à la mode. Mais moi c’est elle que je plains, lance Rose à Raoul qui avoue quand même sa préfèrence pour le ventre rosé.

Dans le hall de l’aéroport de Milan prêts à embarquer à destination de Buenos Aires, Rose et Raoul Piche portent ainsi leurs premiers regards de voyageurs, débutant un périple qui doit les conduire du nord au sud de l’Argentine et au Chili.

Le second regard de Raoul, les yeux rivés au hublot, est pour les lumières orangées des villes aux allures de bijoux brillant dans la nuit. Barcelone, Madrid, Lisbone, Fortaleza… autant de joyaux ensommeillés vus dans la hauteur de l’obscurité par une nuit sans nuage sur 12000 km de distance.

La poésie du spectacle n’efface pas pour autant l’inconfort de la situation. Si Rose dort plutôt bien, Raoul survit mal dans son demi mètre carré d’espace, coincé par le siège de devant. Allez savoir pourquoi, à ce moment là, lui revient à l’esprit la parole de Sir Francis Chichester disant que “le bateau est le moyen le plus lent, le plus cher et le plus inconfortable pour aller d’un endroit à un autre”. Raoul se dit que l’avion bat largement le bateau sur le point trois en attendant le point deux.

A peine leurs valises posées, les Piche gagnent l’un des quartiers animés de Buenos Aires le dimanche. Dans les rues, autour du marché d’antiquités, musiciens et danseurs de tango argentin offrent leurs spectacles aux chalands.

Pour Rose et Raoul Piche, le voyage commence vraiment.

Les réactions de Rose par Rose

5 janvier 2005

Les textes du blog des Piche ont été écrit par Raoul sauf un, celui qui suit.

Il est donc exceptionnel.

Voici les réactions de Rose en fin du voyage de trois mois en Argentine et au Chili.

BUENOS AIRES, LE TANGO
Enchantée de me retrouver sur la piste de danse mais très impressionnée parce que mon tango est tellement plus plan plan que l’argentin !

LES TRAJETS EN BUS DANS LA PAMPA
Les bus ont beau être confortables, 20 heures c’est beaucoup pour le dos et les jambes. J’ai eu bien du mal à dormir. Et quand le jour se lève on se dit qu’on va pouvoir admirer le paysage : rien à l’horizon, mais rien de rien. Alors on bouquine.

LES ANIMAUX DE LA PENINSULE DE VALDES
Très intéressée par les lions de mer avec leurs crinières énormes : jamais vu cette espèce dans aucun livre ni reportage. Quant aux pingouins si habitués au passage des humains on les observerait pendant des heures : les mères et pères quittant le nid (trou dans le sol abrité par un arbuste) pour ramener à manger aux petits qui criaillent et qui plantent leur bec dans la gorge du parent porteur de poisson. Leur démarche dodelinante pour parcourir les centaines de mètres qui séparent la mer de leur nid est émouvante.

LES RENCONTRES
Les voyageurs rencontrés sont tous fanas de découvertes : très souvent solitaires, filles comme garçons. Les plus fortunés prennent l’avion, d’autres la moto, d’autres le vélo et beaucoup, comme nous, le bus.

LES DETAILS DE LA VIE QUOTIDIENNE
En Argentine pas de problèmes de plomberie ni d’électricité (par contre ils sont fâchés avec les serrures : pas moyen de s’enfermer dans les toilettes). Tout est propre, l’eau du robinet buvable, les supermarchés bien achalandés : trouvé de la moutarde Maille ; une bouteille de mousseux de la région de Mendoza portant l’appellation Champagne (je ne sais pas si les Champenois apprécieraient).

LA LANGUE
La prononciation est assez déconcertante : le ll se prononce ch et le y se prononce j. Mais on s’y fait !

LES ARGENTINS
Les Argentins sont sympas, prêts à aider pour vous indiquer votre chemin dès que vous vous plongez sur un plan et pas moqueurs du tout quand on leur parle un espagnol de base comme le nôtre.

LES RESTAURANTS, LA NOURRITURE
La viande n’est pas coupée comme chez nous mais quel délice ! Je ne vous dis pas les ventrées qu’on se fait quand on rentre dans un restau avec Tenedor libre (buffet à volonté : salades de toutes sortes, boeuf grillé sur la braise, agneau grillé sur des broches verticales fixes “asados”, desserts) pour 20 pesos (environ 5 euros) à Ushuaia et 7 pesos à Buenos Aires.
Et les ventrées de cerises : hum, manger des cerises en hiver !

SANTE
Nous sommes passés en l’espace de 15 jours de 36º à Buenos Aires à 10º à Ushuaia : on tousse un peu tous les deux mais le soleil est de la partie. On croise les doigts pour que ça continue et que les vacances se poursuivent sous des cieux toujours nouveaux.

Vive les vacances.

LES MAISONS
Au Chili les maisons ont des structures en bois, murs et charpente sur lesquelles sont clouées des planches en tripli recouvertes de taules ondulées et peintes. Il fait bien chaud sous ces toits.
En Argentine la brique rose est reine même dans les campagnes. Dans les salles de bains argentines subsiste le bidet avec jet d’eau réglable, c’est amusant et très pratique pour faire la lessive.

LA RUE
Dans les rues chiliennes rode une quantité effrayante de chiens pouilleux, galeux, braillards mais pas agressifs : ils dépouillent les sacs poubelle à même le sol. C’est pourquoi devant pas mal de maisons sont installés des réceptacles surélevés en ferraille.
Dans les rues des grandes villes argentines ce sont des humains qui cherchent dans les sacs poubelle qui des canettes en alu qui des chiffons ou autres objets revendables. Sans surprise, on est naturellement sollicité par de nombreux mendiants.
Comme dans tous les pays, ces deux là n’échappent pas à la règle, le plastique est roi : partout, dans les rues, sur le bord des routes traînent des bouteilles vides, des sacs de toutes les tailles et de toutes les couleurs.

LA RELIGION
Les signes de religiosité sont partout : le chapelet et autres gri-gri pendouillent aux rétroviseurs des bus, taxis, automobiles personnelles. Les chauffeurs se signent chaque fois qu’ils passent devant une église ou une petite chapelle érigée au bord de la route (et il y en a beaucoup). Des prédicateurs sur les places chantent, vocifèrent et vous promettent de vous guérir vous ou un des vôtres si vous vous joignez à eux !!! Dans ces pays les églises sont toujours ouvertes et les messes font salle comble.

EDUCATION-SANTE
Désolant, les femmes chiliennes du peuple sont grosses. Les jeunes filles boudinées, voulant être à la mode s’affublent de pantalons taille basse, de corsages collants et tout déborde. Les enfants sont obèses à tel point que de nombreux articles dans la presse chilienne sont consacrés à ce problème et que des campagnes d’informations sont prévues auprès des enfants et des parents pour arrêter ce phénomène. J’ai bien dit les femmes du peuple parce que dans les quartiers bourgeois les femmes sont minces et élégantes.
Les femmes visiblement pauvres ont une dizaine d’enfants, quand les plus favorisées n’en ont que deux ou trois. Dans les deux pays beaucoup d’enfants sont mongoliens ou difformes : pas de prévention et surtout pas d’avortement. Illégal dans les deux pays mais en discussion mouvementée en Argentine.

SALAIRES
Le salaire minimum dans la province de Mendoza est de 350 pesos (environ 100 euros) ce qui représente le prix d’un loyer. Un instituteur est payé 200 euros alors qu’un veilleur de nuit mieux rémunéré touche 220 euros.
Le salaire varie en fonction de la Province. Une manif d’instit à Salta nous éclaire : 80 euros en maternelle et 130 en primaire et collège pour 40 élèves par classe. Les femmes rencontrées nous affirment que ça arrange le gouvernement que les gens ne soient pas éduqués “plus la population est ignorante et plus elle est manipulable par l’église et par les politiques”, nous ont-t-elle dit ! Bien que l’école soit obligatoire beaucoup d’enfants n’y vont pas et rien n’est fait.
D’autres travailleurs n’ont carrément pas de salaire et sont uniquement payés au pourboire, comme ceux qui chargent et déchargent les bagages des bus.
Sur de nombreux tickets de caisse apparaît la ligne “propina no incluida”, à défaut un gros tampon vous le signale. Il semble que ce soit le seul salaire que reçoit un serveur (métier d’homme essentiellement). Main d’oeuvre gratis pour les patrons, ils sont facilement 8 à 10 à attendre le client à la porte des restaurants.

Cela termine pour aujourd’hui le lot de constats pêle mêle que j’ai noté au fil des jours mais il n’épuise pas le sujet. Il y a encore bien des choses à dire après tout ce que nous avons vu.
Rose

Pour franchir 5m les Piche mettent 24h et empruntent deux « jets »

9 avril 2004

Mexico, 9 avril 2004

- Nous serons à Mexico durant la semaine sainte, il vaudrait mieux réserver une chambre, avait suggéré Rose au vue des préparatifs intensifs de cette fête religieuse dans les villes mexicaines traversées depuis un certain temps.

Réservation effectuée deux semaines à l’avance donc, du jamais vu chez les Piche.

Arrivé à Mexico à la date prévue, Rose et Raoul découvrent une capitale paisible. La célèbre pollution a cédé la place à un ciel clair, les embouteillages à des avenues vides et la bousculade du métro à une fréquentation modérée.

Les Piche découvrent qu’à l’occasion de la semaine sainte les habitants de la capitale, en vacances, fuient leur ville.

Mexico en cette période, c’est Paris au mois d’août !

Un vrai bonheur pour les touristes. Toutes les chambres d’hôtel sont libres…

A Mexico les Piche font leur travail de touristes, visite du remarquable musée d’Anthropologie, du palais des beaux arts, des fresques de Diego Rivera, du musée d’art moderne, une petite visite au vieux Léon (Trotski) dans sa maison-musée, à Teotihuacan etc.

Une semaine ne suffit pas à épuiser les charmes de cette capitale et de ses marchés avec leurs “bouibouis” qui sont les meilleurs restaurants de la ville. Mais quand c’est fini, c’est fini. Direction l’aéroport.

Transit par les Etats Unis.

- Il doit y avoir une sélection sévère pour embaucher les agents de l’immigration américaine et des douanes, suppose Raoul qui précise sa pensée. En général, les Américains sont des gens plutôt souriants et policés, alors pour en trouver d’aussi grincheux et désagréables que ceux que l’on poste à l’entrée de ce pays… le casting doit être impitoyable.

Merveille de l’informatique : le vol de retour Mexico-Paris des Piche les a conduits, à 24h d’intervalle, de la porte D6 à la porte D7 de l’aéroport international de Washington (distantes de 5 mètres en ligne directe).

Vendredi à 17h les Piche embarquaient pour un vol Washington-Miami porte D6. Ils étaient de retour le samedi, après une nuit en Floride (100$ d’hôte)l et un vol Miami-Washington pour se présenter à 17 h porte D7 pour Paris.

- Cinq mètres! Nous avons mis 24h pour parcourir 5m! Un record. Et en plus pour établir ce record nous avons emprunté deux jets qui ont volé durant quatre heures et demie et effectué 2500 km.

Arrivés à Paris sous un climat aussi fortement climatisé que les cinémas du Costa Rica, les Piche se retrouvent dans un TGV à destination du midi.

N’ayant pas dormi dans l’avion, ils comptent sur le confort légendaire des trains français, surtout en première, pour rattraper leur retard.

Un premier bébé entre dans leur compartiment, un second, un troisième puis plusieurs très jeunes enfants et finalement le wagon se transforme en pouponnière. Avec le niveau sonore qui va avec.

Rose et Raoul envisagent la fuite vers un autre compartiment mais “ils” sont partout.

“Ce doit être les vacances de la zone A” , conclue Rose en professionnelle.

“Ne nous plaignons pas, même si les bébés sont des êtres révolutionnaires au moins ils se contentent de détoner avec la voix et laissent la voie tranquille », tente de positiver Raoul”.

Les sites Maya attirent la foule… et les Piche

2 avril 2004

Puebla, le 2 avril 2004

Chichen Itza

On les avait prévenus “à Chichen Itza, il y a foule”. Mais à ce point !

Les Piche n’en croient pas leurs yeux, des autobus par dizaines et des touristes par centaines sont là lorsque Rose et Raoul se présentent à l’entrée du site Maya.

La plupart des visiteurs sont groupés derrière un guide brandissant une pancarte portant le numéro du troupeau, ici le 14, là le 24, “groupier !”.

Electrons libres, les Piche se faufilent rapidement pour franchir le tourniquet d’entrée. Une courte marche et les voilà face à l’illustre pyramide Kukulcan à la géométrie aussi parfaite que son état.

Sur ses quatre faces des escaliers permettent d’accéder au sommet, ce que s’empressent de faire Rose et Raoul.

Le spectacle commence lorsque quelques veaux échappés d’un troupeau numéroté entreprennent de descendre les marches qu’ils ont monté en soufflant comme des boeufs. Certes, la pente est un peu raide mais de là à lui tourner le dos comme s’il s’agissait d’une échelle ou à poser ses fesses sur chaque marche pour descendre assis ! Surtout lorsque le bétail n’a visiblement pas quarante ans. Cela choque les Piche qui effectuent la descente normalement, face à la pente, et, pour le coup, à une allure plutôt preste.

Après la visite de Tikal, les Piche craignaient d’être déçus par les autres sites Mayas qu’ils allaient découvrir. Eh bien! Non. Tous sont très différents les uns des autres et tous surprennent et séduisent.

Copan (Honduras) avec ses sculptures que l’on retrouve rarement ailleurs.

Tikal (Guatemala) si vaste, si sauvage avec ses demi pyramides presque verticales.

Palenque (Chiapas) avec son temple des inscriptions, son palais et son temple de la croix, du haut duquel on jouit d’une vue éblouissante.

Chitchen Itza (Yucatan) avec sa grande pyramide et son jeu de balle prêt à servir.

Uxmal (Yucatan) avec son extraordinaire “maison du devin”, une pyramide à base ovale qui ne ressemble à aucune autre et l’immense “quadrilatère des nonnes” avec ses 74 pièces parfaitement conservées.

Sur la route Puuc (Yucatan), Labna avec son palais et son arche dans un site tellement désert que les Piche s’imaginent être les premiers à en fouler le sol depuis des siècles, Xlapak avec son observatoire, Sayil avec son palais à trois étages de 85 mètres de long qui ressemble à un édifice grec, Kabah avec une façade  couverte de 300 masques de Chaac, le dieu de la pluie au nez crochu tourné vers le haut.

Monte Alban (Oaxaca) un site tout en alignements et en géométrie au sommet d’une montagne arasée qui domine les plaines alentour.

Cholula (Puebla) avec son incroyable pyramide Tepanapa, plus grande que celle de Chéops qui disparaît sous la terre et la végétation et dont on découvre la structure en parcourant une partie des 8 km de tunnels creusés par les archéologues.

Demain, les Piche seront à Mexico d’où ils iront voir Téotihuacan, certains que sa singularité n’effacera pas dans leur mémoire celles de tous ces sites qu’ils ont admirés auparavant.

A Puebla, Rose et Raoul ont visité un superbe musée de conception moderne. Ils y ont découvert un “codigo del tiempo” qui présente une chronologie comparée des architectures sur les cinq continents au fil des siècles.

Palenque

Les Piche réalisent que le Parthénon a été bâti 300 ans avant Teotihuacan, que le Colisée existait avant Tikal, que les Zapotèques terminaient à peine Monte Alban V quand les Turcs édifiaient Sainte Sophie, enfin que Chitchen Itza quasi contemporaine de notre Dame de Paris est plus jeune de 200 ans que les temples d’Angkor avec lesquels elle partage la technique élémentaire des fausses arches.

PS. Aujourd’hui, les Piche passent l’après midi à admirer le Popocatépetl (5452 m) volcan actif et enneigé. Pour le voir aussi bien qu’eux, presqu’en temps réel : www.cenapred.unam.mx

Dernières étapes et lieux visités : Oaxaca, Monte Alban, Puebla, Cholula, Tonantzintla, Mexico

Photos des pyramides Maya du Chiapas et du Yacatan

Pour chasser les mauvais esprits : le Coca Cola

19 mars 2004

San Juan de Chamula, 19 mars 2004

Le monde est un cube soutenu par quatre piliers, entouré d’eau.

Pour les Piche, c’est une révélation.

Pour les indiens Tzotzils du Chiapas, c’est une certitude.

Convertis au catholicisme, les Tzotzils n’en ont pas pour autant abandonné leurs croyances antérieures. Ils ont effectué la synthèse. Le résultat, visible en l’église de San Juan de Chamula, est propre à captiver les visiteurs aussi peu religieux soient-ils, tels les Piche.

Dès la porte franchie, Rose et Raoul sont suffoqués.

Au propre, comme au figuré.

L’intérieur, très sombre, est éclairé par des centaines de bougies, placées dans des verres décorés, dont la lumière perce difficilement les nuages d’encens. L’odeur saisit les narines. Le sol carrelé disparaît sous un tapis d’aiguilles de pins vertes. Les murs blancs ne portent aucun ornement.

En revanche, sur tout le périmètre, des petites armoires vitrées hébergent chacune la statue d’un saint. Devant elles, des indiennes aux habits colorés et des hommes en manteau noir à poils longs comme couverts de goudron et de plumes, sont assis et prient en silence.

Un groupe devant San Sebastian Mortil, un devant San Sebastian Pastor, un devant San Pedro dueño de la llava, un devant Virgen de Guadalupe, etc. A chaque Saint ses supporters. Le plus apprécié est San Sebastian, avant Jesus Christus soi-même (dont les Saints sont les frères et les soeurs).

Afin de s’attirer les bonnes grâces d’un Saint il convient de le nourrir, le premier choix étant les cierges et l’encens. Ceci expliquant cela.

Pour ce qui est de la chasse aux mauvais esprits, une seule recette, roter.

D’où la place éminente du Coca-Cola dans le rituel.

Les fidèles boivent force Coca sur le parvis comme à l’intérieur de l’église et expulsent bruyamment les mauvais esprits. La plus belle demeure de San Juan de Chamula appartient au distributeur local de Coca-Cola.

Le jour de la visite des Piche est jour de cérémonie. Ignorant tout de son ordonnancement, Rose et Raoul observent sans trop comprendre ce qui se passe devant l’église.

Des fusées sont tirées vers le ciel et explosent bruyamment. Devant le porche, des hommes noir-goudron, portant chapeau texan, se placent face à d’autres hommes en costumes de satin rouge, brodés d’or, puis, sans raison apparente, ce groupe quitte soudain sa position et s’éloigne au son d’un tambour frappé avec la régularité d’un métronome, accompagné par des porteurs de vasques d’encens fumant comme des locomotives.

Sur le parvis presque vide, Raoul regarde, intrigué, quatre femmes qui prient non pas face à l’église, mais tournées sur la droite face à la gare des autobus. ” Par San Sebastian, se dit Raoul, pourquoi regardent-elles vers là?” quand tout à coup, il réalise qu’elles prient en direction du soleil. Elles sont en pleine synthèse.

Allez savoir pourquoi, ce spectacle a remémoré aux Piche les temples bouddhistes aux divinités en self service, à l’atmosphère d’encens et aux offrandes variées.

Mais pour ce qui est d’effectuer une étude comparative des religions on doit aisément trouver plus compétents que Rose et Raoul.

D’autant que Rose, faisant fi de la moindre rigueur scientifique, déclare sans ambages : “les religions sont toutes aussi nuisibles les unes que les autres !”.

Demain, les Piche visiteront les temples Maya du Yucatan. Il est à craindre que quelque grand prêtre ne se retourne dans sa pyramide.

Dernièrs lieux visités par les Piche : Palenque, Agua Clara, Misol Ha, Agua Azul, Merida, Chitchen Itza, Uxmal. Etapes à venir : Oaxaca, Puebla

Comment évaluer le danger ?

18 mars 2004

Quetzaltenango (Xela), 18 mars 2004

- On va vers le temple VI. Tu me lis ce que dit le guide ?

- Le temple VI, bla, bla, bla… sculptures uniques… bla, bla,bla. Il y a aussi un avertissement. “Sur le trajet de ce temple isolé, des vols et des viols ont eu lieu dans le passé. Bien que la sécurité ait été grandement améliorée, demandez à un garde de vous accompagner ou déplacez vous en groupe”

.- Nous sommes à mi-chemin et c’est maintenant que tu me dis ça ? s’exclame Rose

- Ecoute ! J’entends un moteur.

Un garde juché sur un quad arrive à hauteur des Piche.

- Bonjour, Monsieur le garde, lui lance Raoul, je lis dans mon guide qu’il y a des bandits ici. C’est vrai?

- Non! Pan, pan, pan… les bandits se sont enfuis, réponds ce dernier, en dégainant et en faisant mine de tirer en l’air avec son pistolet.

Des avertissements de ce type sont nombreux dans le guide-bible des voyageurs, le Lonely Planet. Ils ne sont ni tout à fait actuels, ni complètement dépassés. Cela dépend des lieux et des époques.

Ils fleurissent également sur le site du Ministère des affaires étrangères à l’attention des voyageurs. D’après ce site, même la Suisse ne serait pas si sûre…

Quant à l’information locale, au Guatemala, elle laisse songeuse surtout lorsqu’on lit le “Diario” dont la principale rubrique, “une” comprise, est exclusivement consacrée aux faits divers.

Les meurtres par armes à feu, les attaques de bus, les accidents de la route et la corruption des hommes politiques forment l’essentiel de l’actualité quotidienne. Les Piche y apprennent qu’à Guatemala Ciudad il se produit 40 agressions par jour et que les arrondissements à “hauts risques” sont les 3, 4, 5, 6, 7, 8, 12, 17, 18 (sur 18 en tout !).

“Passe, impair et manque” ! Clame à longueur de journée la faucheuse, incarnée en sinistre croupier.

Mais, non ! Les Piche ne sont pas disposés à jouer leur modeste existence à cette roulette là.

Alors, ils ne visitent pas Guatemala city, ne se promènent jamais la nuit après 20 heures, n’escaladent pas les volcans qui nécessitent des gardes armés, évitent les endroits isolés, se renseignent auprès des locaux et des autres voyageurs, etc. etc.

Car s’il est une information qui circule comme une traînée de poudre c’est bien celle concernant les agressions contre les touristes. Par chance, les Piche voyageant à l’inverse de tout le monde (du Panama vers le Mexique), il leur est aisé d’interviewer ceux qui viennent de là où ils vont.

De plus, le tourisme étant la seconde source de revenu du Guatemala les autorités renforcent les effectifs de la police touristique.

Ainsi, sur la route tortueuse conduisant à Chichicastenango, très prisé des touristes, la présence policière est manifeste. Rose se demande s’il faut s’en inquiéter (il n’y aurait pas de police si les lieux étaient sûrs) ou se sentir rassuré (les malfrats préfèrent sans doute agir là où la police n’est pas).

Les Piche en étaient là de leurs réflexions dans les zones montagneuses du Guatemala lorsqu’ils ont appris la nouvelle. De malheureux travailleurs, même pas des touristes, qui se rendaient tôt à leur travail venaient d’être pulvérisés par centaines. Et cela ne se passait pas en Amérique centrale mais à peu de distance de chez eux, dans une ville où ils comptent des êtres chers.

Alors sans tomber dans le fatalisme, les Piche se disent que la notion de risque est bien relative et que les déplacements en Amérique centrale ne sont peut être pas les plus inquiétants au monde.