Sur la route de l’opium, ça gîte un max
Mae Hong Song, 16 mars 2002.
Rose et Raoul Piche ont trouvé la route de l’opium. Elle va de Mae Paeng, un village proche de Pai au nord ouest de Chiang Mai, jusqu’aux chutes d’eau du même nom. Sur ce petit bout de route, chaque paysanne mime le geste de fumer en interrogeant Rose et Raoul du regard. Lorsque Raoul arrête la voiture pour regarder la carte, une femme surgit “smoke? smoke?”. A vrai dire, si sur ce trajet l’offre est pléthorique, elle existe dans de nombreux villages alentours. Dans l’un d’eux, Rose a surpris du regard une assemblée d’homme, couchés, fumant de l’opium. Néanmoins, il semble que cette drogue fasse moins de ravages parmi les jeunes thaïs que celles en pilules. Raoul ayant renoncé au tabac depuis belle lurette n’a pas voulu céder au romantisme du voyageur fumeur d’opium. Rose estimant que “l’aventure, c’est l’aventure” reconnaît qu’elle aurait bien essayé, pourtant elle n’a pas osé.
Depuis quelques jours, Rose et Raoul Piche effectuent un voyage dans le voyage. Ils ont loué une sorte de petite Jeep 4X4 (Suzuki Carribean) avec laquelle ils parcourent les montagnes au nord et à l’ouest de Chiang Mai. Une boucle d’environ 1300 km qui les amène de temps à autres sur des pistes invraisemblables. Ils croyaient avoir vécu le pire au Cambodge en matière de voies de communication. Erreur. Les montagnes thaïlandaises recèlent des trésors dans ce domaine. A plusieurs reprises, ils se sont trouvés face à des montées si pentues et si chaotiques qu’il paraissait impossible que leur véhicule les escalade. Et pourtant, les quatre roues motrices du Suzuki semblent scotcher la voiture au sol comme s’il était pourvu de chenillettes et il monte, monte, monte. Rose est verte, Raoul tendu.
- Tu voulais être sur terre et ne plus voyager sur un bateau qui gîte, non ?
- Oui, mais tu trouves moyen de faire gîter la voiture !
Raoul acquiesce, certes de temps en temps ça gîte, ça secoue fort, mais quels paysages! quels panoramas! quelle solitude! et quel plaisir d’arriver dans un village Shan, Karen, Lisu et autres. Rose et Raoul découvrent que ces minorités ethniques ne portent pas leur costume traditionnel uniquement pour plaire aux touristes des marchés de Chiang Mai. Ils s’en revêtent chez eux, sur le flanc des montagnes dans leur hameaux si pauvres. Leur accueil est plutôt distant. Les sourires sont rares au contraire des thaïs, des cambodgiens sans parler des laotiens ces “méridionaux” d’Indochine. Les touristes ici ne sont guère nombreux. Une heure et demie pour parcourir 15 km d’ornières décourage les tours opérateurs.
La région est riche en rivières, en chutes d’eau et en grottes. Tous les jours, vers midi, Rose et Raoul se baignent dans ces eaux à 24 degrés environnés de splendides papillons. La sensation de froid qui les saisit au début, le cède rapidement à une agréable fraîcheur. Aujourd’hui, ils ont parcouru une immense grotte traversée par une rivière souterraine à bord d’un radeau de bambous, éclairés par une lampe à gaz. Au débouché, des nuées de chauves souris tournoyaient sans jamais s’exposer à la pleine lumière. A l’inverse, une myriade d’oiseaux voletait à la frontière de la grotte sans y pénétrer vraiment.
En fin de journée, après une navigation qui n’a rien à envier à celle d’un voilier par temps frais, Rose et Raoul se détendent avec une bière thaï (Chang beer). Parfois Raoul abuse et double la dose. Alors ses paroles trébuchent, son esprit s’embrume et sa détente devient extrême. Comme s’il venait de fumer cette pipe offerte dans la matinée et qu’à coup sur il a eu raison de refuser. Si deux bières lui suffisent…