On a toujours besoin d’un petit Bouddha chez soi
Aux jeux Olympiques du Bouddhisme la Birmanie écrase tous ses compétiteurs. Le Cambodge, Le Laos, le Vietnam, l’Inde, la Chine, aucun n’approche la Birmanie pour le nombre de stupas, de pagodes, de temples, de bouddhas au kilomètre carré.
Les stupas, édifices en forme de cloches sont omniprésents en ville et dans les campagnes. Parfois, ils transforment des collines ou des plaines banales en paysage sublime (Mandalay, Bagan). En briques roses pour les plus anciens (les plus beaux), peints en blanc pour les plus communs, couleur or pour ceux qui font semblant d’être en or, en or 24 carats pour ceux qui ne font pas semblant. A Rangoon, l’un d’eux, monumental, est couvert de 700 kg de métal précieux. Rose prétend qu’avec l’envolée du cours de l’or s’ensuit une envolée de la glorification du Bouddha. Plus on s’enfonce dans la crise, plus l’or monte, plus Bouddha est remercié.
Bouddhisme philosophie ou religion, à l’écart de ce débat éculé Raoul Piche mondialement inconnu pour ses études sur les croyances développe la théorie suivante : Bouddha était un hippie. En effet, au coeur de chaque stupa se trouve un fragment de cheveu du Bouddha, ce dernier devait donc avoir une tignasse longue et abondante pour approvisionner ces innombrables édifices. A sa mort, toujours selon Raoul Piche, on a coupé ses cheveux en quatre, puis à nouveau en quatre, etc. (d’où l’expression populaire bien connue). Cela a permis d’en placer un peu sous chaque stupa.
Ce gourou-hippie, même s’il n’est pas un dieu est révéré comme tel. Une façon d’exprimer cette dévotion, hormis les stupas, consiste à édifier des statues à son image. Plus elles sont nombreuses, plus elles sont grandes, plus elles sont riches plus forte est la révérence.
Sur ce terrain aussi la Birmanie bat tous les records. Assis, debouts, couchés, couverts d’or, alignés par milliers la statuaire birmane du Bouddha est hors concours.
Le plus grand est debout, il mesure 116 mètres de haut, suivi par le « couché » 55 mètres seulement. Les plus nombreux, de quelques centimètres à peine, placés côte à côte comme les caractères d’un mot forment des lignes et des pages d’écriture sur les murs d’un temple kitchissime de Mandalay. Dans ce lieu unique, on en compte plusieurs centaines de milliers !
Un des Bouddha parmi les plus dorés, également à Mandaly, souffre d’hypertrophie plantaire. N’importe qui peut venir lui plaquer des feuilles d’or dessus. Les amateurs sont tellement nombreux et la partie la plus accessible de sa personne étant les pieds, c’est là que l’or s’accumule. Ses extrémités auraient pris 20 centimètres d’embonpoint selon les meilleurs auteurs. Raoul Piche et son ami Patrice ont investi un euro cinquante d’or, soit dix feuilles, qu’ils ont été coller sur l’orteil droit du Bouddha espérant qu’ainsi ils éviteraient les ampoules au pied. Force est de constater que « ça marche ». Ni l’un, ni l’autre n’ont eu d’ampoules.
La fabrication des feuilles d’or est techniquement spectaculaire. Pour cela il faut de l’or, bien sûr, 12 grammes, un marteau, un gros de 3 kg, du bambou et deux esclaves. Le bambou sert à produire une feuille sur laquelle l’or n’adhère pas. Avec le marteau, un esclave frappe pendant une heure sur l’or (protégé, naturellement). Il en fait tripler la surface. Son collègue prend le relais pour une heure encore, nouvelle extension. Ainsi de suite 5 heures durant. L’or atteint alors une épaisseur de 0,00027 cm ce qui permet de produire 1800 feuilles carrées de 5×5 cm qui servent à dorer et à adorer Bouddha.
Comme il est toujours utile d’avoir un Bouddha chez soi, des artisans en sculptent à la chaîne en sortie de Mandalay. Vous vous souvenez des sculpteurs de sphinx dans « Astérix et Cléopatre »? Eh bien ! ce sont les mêmes. Alignés les uns à côté des autres ils sculptent à la masse et au burin, avec meuleuses, ponçeuses et polisseuses, des blocs de marbre de toutes tailles. Ni masque de protection, ni lunettes, ces artisans très jeunes ont la tête constamment dans un nuage de poussière de pierre qu’ils respirent à plein poumons.
Face à ce spectacle Rose déclare « pourvu que Bouddha fasse des miracles ». Raoul, cette fois-ci n’est pas trop sûr que « ça marche ».