Kuala Lumpur, déluge, jeu d’arcade et Titanic

Un flash bleu intense, un claquement sec assourdissant, la foudre est tombée très près des Piche. Abrités sous leurs parapluies ils se dirigent vers un restaurant lorsque le ciel leur tombe sur la tête. Raoul qui vient d’acheter un parapluie tout neuf s’inquiète de la pointe qui en dépasse, « pas bon pour la foudre ». Puis il réalise que Rose et lui marchent dans une rue bordée de gratte-ciel de 200 à 400 mètres de haut, hérissés d’antennes et de paratonnerres. La foudre a l’embarras du choix pour s’abattre ailleurs que sur leurs malheureux parapluies.

Durant deux heures c’est le déluge. Confortablement assis à une table d’un excellent restaurant, les Piche devisent sur cette pluie tropicale. Elle évoque les épisodes cévenols qu’ils connaissent si bien et redoutent tant. L’intensité est la même. « Mais chez eux c’est au moins une fois par semaine. Ils sont habitués » remarque Rose.

Faux.

Bien qu’il pleuve chaque jour à Kuala Lumpur en fin d’après-midi, ce soir là était un peu inhabituel. La preuve, le lendemain, le journal titrait sur les inondations qui avaient noyé certains quartiers et les voitures submergées dans des parkings. Tiens, tiens ! 200 millimètres de pluie en une soirée, on sait faire au sud des Cévennes.

Si la pluie profite à la végétation, les dollars, eux, font pousser les gratte-ciel. Kuala Lumpur en est hérissée (dont les fameuses tours jumelles Petronas de 421 mètres de haut) et cela continue. Des forêts de grues, de gigantesques chantiers grignotent petit à petit ce qu’il reste de quartiers traditionnels.

Résultat, les déplacements à pied relèvent du jeu d’arcade. Il y a une énigme à trouver tous les 300 mètres pour progresser de 300 mètres.

Exemple vécu par les Piche pour se rendre au Musée National de Malaisie.

Départ : la station du monorail. Traverser une ou deux avenues au trafic intense. S’engager sous un tunnel de béton, au-dessus duquel se trouve le chantier d’un gratte-ciel. Après 200 mètres dans le bruit et la fureur qui règne là-dessous prendre un petit escalier dérobé sur la droite, il donne accès à un escalier plus grand qui débouche dans une rue face à la gare centrale de Kuala Lumpur.

Traverser la gare au niveau 0, puis au niveau 1. En sortant on se trouve devant l’immense bâtiment de l’hôtel Méridien. Traverser le parking situé sous l’hôtel. On parvient alors à une bretelle d’accès d’une double voie rapide située en contrebas. Infranchissable. Les Piche scrutent le paysage, cherchent la solution, cela dure 10 minutes. Ah ! Un petit trottoir de 50 cm de large permet d’accéder à un escalier à peine visible, là-bas à 100 m de l’autre côté d’une seconde bretelle. L’escalier descend d’un niveau et amène en bordure d’une rue « normale » qui donne accès à une passerelle, laquelle franchit la voie rapide. Encore quelques mètres et c’est l’entrée dans le parc central de la ville. Un sentier, sans indication, paraît aller dans la bonne direction. Une petite colline, l’arrière d’un bâtiment à contourner et voilà l’entrée du Musée National ! Facile !

Raoul, au caissier : « C’est vous qui devriez nous payer pour être parvenus jusqu’ici ». « Vous n’êtes pas venus en voiture ? » « Non !!! » Parfois il est suspect d’être piéton.

En comparaison, Singapour est une ville respirable, avec moins de gratte-ciel, moins hauts, plus d’espaces verts, de la place pour les piétons et un excellent réseau de transports publics.

A Singapour les Piche ont vu une remarquable exposition organisée autour des objets remontés de l’épave du Titanic.

Lorsqu’ils contemplent les noms aux sommets des gratte-ciel de Kuala Lumpur et de Singapour, ils ne peuvent s’empêcher de faire un rapprochement : Chartered Bank, ING Bank, Maybank, UCO Bank, Bank of east Asia, Barclays, HSBC, Indian Bank, KBC Bank, RHB islamic Bank, City Bank etc. Ne sont-ce pas là autant de Titanic qui se dirigent vers des écueils dont ils font fi comme d’autres ont ingnoré les icebergs de l’Atlantique nord le 12 avril 1912.

To big to fail ?

Le Titanic, lui aussi était réputé insubmersible…

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