Cocktail molotov
« Vous mettez un peu de chlorate de potassium et du sucre dans un papier, vous le pliez, ce sera le détonateur. Vous le collez sur la bouteille qui, elle, sera remplie d’essence ».
L’explosion d’une toute belle 2cv Citroën blanche bombardée par plusieurs cocktails molotov lancés par des artistes prouve que la recette marche. La preuve, la deudeuche est là devant les Piche, a moitié calcinée, posée sur d’épais traités de droit constitutionnel au milieu de la salle d’exposition du parc de la mémoire dédié aux victimes du terrorisme d’Etat.
Le cours d’explosif est présenté dans une vidéo qui explique l’origine et la raison de cette oeuvre d’art. Elle a été enregistrée par un survivant des émeutes de Cordoba contre la dictature argentine des années 70.
Inauguré assez récemment, ce parc de 14 hectares a été livré aux artistes plutôt qu’aux historiens. Le résultat est remarquable. Notamment, la longue promenade en bordure du Rio de la Plata où, sur chaque lampadaire, un groupe d’artistes a affiché une série de panneaux imitant la signalétique à base de pictogrammes. Terribles, à force d’expression synthétique des actions de la dictature.
Quelques exemples : sur un panneau en losange, fond jaune, un à plat noir dessine la forme d’un avion, et, dans l’avion, un homme. Ce sont les vols de la mort. Ces milliers de prisonniers que la dictature a précipité depuis des avions dans le Rio de la Plata. Foin de longs discours, tout est dit en une image ultra simple. Et le Rio de la Plata est là à quelques mètres…
Même type de panneau, même fond jaune, même simplicité, une succession de barres verticales noires, et, derrière les barres, le profil d’une femme au ventre rond. Evocation des bébés volés aux femmes enceintes, incarcérées puis assassinées.
Emus par ce lieu de mémoire dont l’intelligence fait ressortir en contre-point la brutalité de la bêtise humaine, les Piche ne peuvent s’empêcher de se remémorer d’autres lieux de mémoire rencontrés lors de précédents voyages.
Celui de Nankin qui perpétue le massacre de 300 000 Chinois de la ville par l’armée japonaise. Un lieu impressionnant par sa dignité et son contenu historique.
Celui du chemin de fer de la mort (death railway) à Kanchanaburi en Thaïlande à la frontière de la Malaisie, rendu célèbre par le film « Le pont de la rivière Kwaï ». Dans ce défilé reliant les deux pays des jeunes, Hollandais et Britanniques, tombaient comme des mouches.
Celui de la marche de la mort (encore et toujours) aux Philippines. Une marche forcée de 97 km, décidée par les Japonais, qui a fait plus de 20 000 victimes philippines et américaines en quelques jours.
Tout ces lieux ont un point commun : ils parlent pour les victimes. Et, comme à Buenos Aires, elles nous disent « nunca mas ! ». Plus jamais ça !
Les Piche ne sont pas loin de penser que c’est vraiment le moment de bien écouter leur message.
A bientôt