Pour chasser les mauvais esprits : le Coca Cola
San Juan de Chamula, 19 mars 2004
Le monde est un cube soutenu par quatre piliers, entouré d’eau.
Pour les Piche, c’est une révélation.
Pour les indiens Tzotzils du Chiapas, c’est une certitude.
Convertis au catholicisme, les Tzotzils n’en ont pas pour autant abandonné leurs croyances antérieures. Ils ont effectué la synthèse. Le résultat, visible en l’église de San Juan de Chamula, est propre à captiver les visiteurs aussi peu religieux soient-ils, tels les Piche.
Dès la porte franchie, Rose et Raoul sont suffoqués.
Au propre, comme au figuré.
L’intérieur, très sombre, est éclairé par des centaines de bougies, placées dans des verres décorés, dont la lumière perce difficilement les nuages d’encens. L’odeur saisit les narines. Le sol carrelé disparaît sous un tapis d’aiguilles de pins vertes. Les murs blancs ne portent aucun ornement.
En revanche, sur tout le périmètre, des petites armoires vitrées hébergent chacune la statue d’un saint. Devant elles, des indiennes aux habits colorés et des hommes en manteau noir à poils longs comme couverts de goudron et de plumes, sont assis et prient en silence.
Un groupe devant San Sebastian Mortil, un devant San Sebastian Pastor, un devant San Pedro dueño de la llava, un devant Virgen de Guadalupe, etc. A chaque Saint ses supporters. Le plus apprécié est San Sebastian, avant Jesus Christus soi-même (dont les Saints sont les frères et les soeurs).
Afin de s’attirer les bonnes grâces d’un Saint il convient de le nourrir, le premier choix étant les cierges et l’encens. Ceci expliquant cela.
Pour ce qui est de la chasse aux mauvais esprits, une seule recette, roter.
D’où la place éminente du Coca-Cola dans le rituel.
Les fidèles boivent force Coca sur le parvis comme à l’intérieur de l’église et expulsent bruyamment les mauvais esprits. La plus belle demeure de San Juan de Chamula appartient au distributeur local de Coca-Cola.
Le jour de la visite des Piche est jour de cérémonie. Ignorant tout de son ordonnancement, Rose et Raoul observent sans trop comprendre ce qui se passe devant l’église.
Des fusées sont tirées vers le ciel et explosent bruyamment. Devant le porche, des hommes noir-goudron, portant chapeau texan, se placent face à d’autres hommes en costumes de satin rouge, brodés d’or, puis, sans raison apparente, ce groupe quitte soudain sa position et s’éloigne au son d’un tambour frappé avec la régularité d’un métronome, accompagné par des porteurs de vasques d’encens fumant comme des locomotives.
Sur le parvis presque vide, Raoul regarde, intrigué, quatre femmes qui prient non pas face à l’église, mais tournées sur la droite face à la gare des autobus. ” Par San Sebastian, se dit Raoul, pourquoi regardent-elles vers là?” quand tout à coup, il réalise qu’elles prient en direction du soleil. Elles sont en pleine synthèse.
Allez savoir pourquoi, ce spectacle a remémoré aux Piche les temples bouddhistes aux divinités en self service, à l’atmosphère d’encens et aux offrandes variées.
Mais pour ce qui est d’effectuer une étude comparative des religions on doit aisément trouver plus compétents que Rose et Raoul.
D’autant que Rose, faisant fi de la moindre rigueur scientifique, déclare sans ambages : “les religions sont toutes aussi nuisibles les unes que les autres !”.
Demain, les Piche visiteront les temples Maya du Yucatan. Il est à craindre que quelque grand prêtre ne se retourne dans sa pyramide.
Dernièrs lieux visités par les Piche : Palenque, Agua Clara, Misol Ha, Agua Azul, Merida, Chitchen Itza, Uxmal. Etapes à venir : Oaxaca, Puebla