Dans l’enfer des mines de Postosi
Potosi, le 6 février 2007
Le son de l’explosion est sec, violent, assourdissant.
Il atteint les Piche juste avant que le souffle qui s’engouffre dans les galeries de la mine ne les balaye, tel un vent de tempête.
Immobiles, ils attendent la seconde puis la troisième, la quatrième jusqu’à la septième explosion. A la quatrième quelques cailloux tombent sur le casque de Raoul qui fait un mètre de côté pour échapper à l’avalanche.
Le silence revenu, les cinq à six personnes du groupe de visiteurs de la mine d’argent de Potosi auquel appartiennent les Piche se remet en route dans les galeries boueuses.
Depuis qu’ils y ont pénétré deux heures plus tôt, Rose et Raoul font un voyage dans le temps : ils vivent Germinal version coca.
Dès l’entrée, ils croisent deux hommes poussant un wagonnet lourdement chargé de 500 kg de minerai. Pesant dans les montées, dangereux dans les descentes car dénués de freins, les chariots occupent quasiment toute la largeur de la galerie, le croisement avec eux exige de trouver rapidement une anfractuosité pour se mettre à l’abri.
Les pousseurs comme tous les mineurs que croisent Rose et Raoul ont la joue gonflée par une boule de coca qui ne les quitte pas durant des heures avant d’être remplacée par une autre. C’est elle qui leur donne l’énergie nécessaire à leur tâche écrasante.
Leur espérance de vie est réduite, beaucoup meurent de silicose 10 à 15 ans après leur premier jour de travail.
Tous les jours, 10 000 d’entre eux creusent, perforent et vident le Cerro Rico de son minerai d’argent, de zinc et de plomb. Au XVI et XVII siècle l’argent extrait a fait de Potosi la ville la plus grande et la plus riche d’Amérique.
Durant cette période les mines de Potosi ont fourni la moitié de l’argent produit dans le monde.
Aujourd’hui, elles appartiennent à l’Etat Bolivien mais elles sont exploitées par des coopératives de mineurs.
Celle que visitent les Piche est qualifiée de “bonne mine” par Osvaldo, leur guide, fils de mineur, parce qu’on y utilise de l’eau afin de réduire les poussières dues aux explosions et à l’action des marteaux piqueurs.
En effet, pour abattre le minerai, les mineurs forent des trous de 1,20 m de profondeur dans desquels ils placent des bâtons de dynamite et qu’ils bourrent de nitrate d’amonium pour renforcer l’explosion. La hauteur des galeries est également “confortable” on s’y tient debout à peu près partout, alors que dans d’autres il faut progresser plié en deux, voire couché (!).
A 4000 m d’altitude, l’exercice est épuisant.
Pour passer d’une galerie supérieure à une galerie d’un niveau inférieur, les Piche utilisent un boyau vertical d’un diamètre juste suffisant pour un homme et équipé d’une succession de trois échelles de bois.
Claustrophobes s’abstenir. Ce que font un certain nombre de visiteurs qui rebroussent chemin…
Il n’existe bien sûr aucun éclairage, les galeries sont d’une obscurité parfaite. Pour y voir, les mineurs comme les visiteurs portent une lumière électrique frontale sur leurs casques et l’éclairage ambiant résulte du ballet de ces multiples faisceaux.
Avant de pénétrer dans la mine, les visiteurs sont équipés de pied en cap : bottes, pantalon, veste, casque, frontale.
Rien de trop dans cet accoutrement.
L’eau abondamment utilisée transforme le sol en boue, l’exiguité de certains passages conduit à se frotter aux parois humides exsudant des sels joliment cristallisés et la hauteur sous plafond n’est pas toujours garantie.
Raoul s’est cogné la tête cinq ou six fois sur la roche dure sans dommage grâce à son casque ! Partout règne une odeur singulière comme si un gaz inondait l’ensemble de la mine. Cette odeur provient en partie des explosifs et des réactions des produits de l’explosion avec ceux affleurant à la surface des galeries.
Avant de quitter ces lieux d’enfer, les Piche rendent visite à Tio, le diable, une statuette de céramique à laquelle les mineurs apportent des offrandes pour obtenir sa protection sous terre.
Car si, hors de la mine, les mineurs croient en Dieu et au ciel, sous terre, ils croient plutôt à la présence du diable.
Et sur cette croyance là, pour une fois, les Piche s’abstiennent de tout commentaire.
Total respect.